Manifestation

Une manifestation est un acte collectif se prononçant en faveur ou défaveur d'une opinion politique ou pour d'autres causes. Des actions de manifestation peuvent inclure des blocages ou sit-ins. Les manifestations peuvent être pacifiques ou violentes, ou peuvent être non violentes et se terminer par des actes violents aux dépens des circonstances. Souvent des policiers antiémeute ou autres organismes chargés de l'application de la loi et du maintien de l’ordre sont impliqués.

Pour les articles homonymes, voir Manifestation (homonymie).
Le public se forme autour d'une manifestation.
Forces de gendarmerie à l'arrivée d'une manifestation parisienne ().
Manifestation lors de la crise des subprimes, devant la Banque des Pays-Bas.

Les manifestations sont aujourd'hui des mouvements de masse qui nécessitent pour leur organisation des méthodes de plus en plus élaborées, et notamment des techniques d'information particulièrement sophistiquées[1].

Droits

Manifestation à Londres en 2006 contre la guerre en Irak

Le droit de manifester est protégé par les conventions internationales signées par de nombreux pays.[2]

Simple rassemblement pour des festivités, le festival Couleurs d'Automne 2013 à Machilly

Il est inscrit notamment dans les articles 21 et 22 de la Convention internationale des droits civils et politiques et sa mise en oeuvre est contrôlé par le rapporteur spécial des Nations unies sur le droit de réunion pacifique et d’association[3].

Dans la plupart des pays démocratiques, les lois (par exemple le premier amendement de la constitution américaine) permettent les manifestations et la liberté de se regrouper, qu'elles considèrent comme un droit et un contre-pouvoir.

En France, depuis le décret-loi du 23 octobre 1935, les manifestations sur la voie publique sont soumises à l'obligation d'une déclaration préalable indiquant le but de la manifestation, le lieu, la date et l'heure du rassemblement et l'itinéraire projeté. Les autorités peuvent demander aux organisateurs des modifications de parcours ou d'horaire. Elles peuvent interdire une manifestation si elles la jugent de nature à troubler l'ordre public ou si ses mots d'ordre sont contraires à la loi, mais ces interdictions sont rares[4].

Toujours en France, en vertu de l'article 431-3 du Code pénal, « tout rassemblement de personnes sur la voie publique ou dans un lieu public susceptible de porter atteinte à l'ordre public (...) peut être dissipé par la force publique » après les sommations d'usage. Appeler à une manifestation interdite est considéré comme un délit.

La manifestation interdite est qualifiée par les textes d'attroupement.

Rôle

Manifestation alter-mondialiste

Selon Guy Groux, directeur de recherches au Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF) et Jean-Marie Pernot, chercheur à l'Institut de recherches économiques et sociales (IRES) « le rôle de la manifestation [ici politique] tient en peu de mots. Partie prenante de l’expression démocratique - notamment de la démocratie directe -, la manifestation vise à influer sur l’opinion, à influencer le pouvoir politique et, ce faisant, à contribuer à la naissance de politiques publiques menant à la satisfaction des revendications qu’elle exprime »[5].

Slogans et chansons

Manifestation pour la régularisation des sans papiers à la préfecture de région à Rennes, 2007

Les manifestants apportent souvent des banderoles, chansons, tracts et slogans qui leur permettent d'exprimer leur point de vue aux habitants et aux médias dans une ambiance bon enfant. Cela permet dans certains cas aux organisations encadrant la manifestation de contrôler le discours audible des manifestants, et le mode d'expression de ce discours ; on observe que le sens et la forme des slogans change radicalement selon qu'il s'agit d'une manifestation « déclarée » ou « sauvage ».

Dans le cas des manifestations « sauvages » (i. e. spontanées), la portée des slogans est généralement beaucoup plus vaste (c'est « le système » entier qui est attaqué et non point telle ou telle réforme), les slogans plus courts, et plus directement agressifs : le côté festif des chants est parfois minoré.

Il faut aussi évoquer le rôle fédérateur des chants et slogans. En effet, ils permettent de replacer le mouvement dans une tradition manifestante : en lien avec l’histoire, ou avec un courant de pensée : anarchiste, communiste, etc. C'est particulièrement net dans le cas des chansons, notamment celles de la Commune de Paris ou de la Guerre d'Espagne, dont le rôle n'est pas tant d'exprimer une revendication que de concrétiser une appartenance commune à une mouvance déterminée, d'exprimer un rappel historique. En ce sens, l'envers de cette fonction d'identification est le risque d'une ségrégation des manifestants, selon leur culture politique : nombre de jeunes protestataires ne sont pas au fait de ce « folklore ».

Politique

En politique, les manifestations peuvent désigner :

  • amélioration des conditions de vie, souvent à l'appel des syndicats, ou à l'occasion de grèves ;
  • protestation contre la brutalité policière ;
  • protestation contre une loi, un décret, une réforme ;
  • protestation contre une fermeture d'usine ou contre des licenciements jugés abusifs ;
  • revendications politiques (exemples : lutte contre le racisme, le sexisme, ou lutte pour la démission d'un gouvernement) ;
  • manifestation pour la paix et contre la guerre.

Violence

Lors de manifestations interdites, les manifestants sont souvent cagoulés.

En marge d’une petite minorité de manifestations, des scènes de violences urbaines ont parfois lieu, elles peuvent être provoquées par des manifestants, des policiers ou des personnes extérieures (que les médias appellent alors des « casseurs »). Elles ont globalement deux cibles principales : la police d'une part, et les édifices publics ou symboles marchands d'autre part.

Intervenant souvent en fin de manifestation, le moment de la dispersion est crucial. Lorsque celle-ci n'intervient pas assez rapidement, en dépit des appels des organisateurs et des forces de l'ordre elles-mêmes, ces dernières ont toute latitude d'intervenir, que ce soit à l'aide de canons à eau[6], en chargeant ou à l'aide de grenades lacrymogènes. Lorsque les manifestants réagissent et contre-attaquent (en lançant divers projectiles, en renvoyant les grenades lacrymogènes, etc.), la manifestation peut alors tourner à l'émeute. Il arrive également que des manifestants décident d'eux-mêmes d'attaquer la police.

Fumées de tir de fumigènes dans une manifestation (Paris, France).

Lorsque l'affrontement direct avec la police est impossible (pour des raisons de rapport de force par exemple) ou bien que le contexte de révolte totale s'y prête, les manifestants (ou casseurs, quoique la distinction soit malaisée à faire dans l'absolu) peuvent choisir de détruire le mobilier urbain, de renverser des voitures afin d'édifier des barricades, de briser des vitrines, etc. Il est rare que l'un et l'autre type de violences urbaines soient totalement séparés. La conclusion de ces soulèvements consiste généralement en des séries d'interpellations (facilitées par le travail des policiers en civil qui infiltrent le mouvement), de placements en garde à vue, puis de jugements et de condamnations.

Dans de nombreux pays et au cours de l'histoire moderne, de nombreuses manifestations se sont terminées dans un bain de sang à la suite d'une charge de la police et/ou parfois de l'armée.

Manifestations historiques

Europe

Belgique: 8 mars 2019: Marche nationale de protestation pour les droits des femmes.

France

Selon l'historien Samuel Hayat, la manifestation du à Paris, qui se tient en période révolutionnaire en apportant un soutien critique au Gouvernement provisoire, « constitue un événement majeur dans l'invention de la manifestation moderne, comme investissement populaire de la rue dans un rapport ambivalent de concurrence et de collaboration avec les autorités instituées. [...] au-delà de la question des conditions de possibilité de la forme manifestante, celle-ci a une spécificité, qui se révèle le 17 mars de façon particulièrement claire : les manifestants prennent la rue au nom du peuple, c'est-à-dire en tant que représentés. C'est là un aspect crucial de la manifestation, qui la distingue des délégations qui se succèdent pendant toute la République de Février et qui sont dans la continuité du droit de pétition existant sous Juillet »[7].

Léon Théry place de l'Opéra en , Paris en liesse après sa victoire en Allemagne lors de la Coupe Gordon Bennett.

Espagne

Manifestation indépendantiste du 10 juillet 2010 à Barcelone « Som una nació. Nosaltres decidim ».

Cette manifestation va lancer le Mouvement des Indignés sur le modèle des Printemps arabe de 2010 et va provoquer une vague de mobilisation dans toute l'Espagne.

  •  : une manifestation a réuni une chaine humaine sur 400 km où 1 600 000 personnes se sont donné la main pour unir symboliquement toute la catalogne du Nord au Sud. Cette manifestation intitulée Voie catalane vers l'indépendance (en catalan Via catalana cap a la independència) a eu lieu le , jour de la diada, la Fête nationale de la Catalogne. Elle était inspirée de la Voie balte, la chaîne humaine reliant Vilnius à Tallinn, via Riga pour demander l'indépendance des pays baltes le .
  •  : Une manifestation a eu lieu à Barcelone dans le cadre de la diada, la Fête nationale de la Catalogne. Les manifestants réunis sur 11 km sur les deux principales avenues de Barcelone (Gran Via et la Diagonal) ont formé un immense V[14],[15],[16],[17], symbole de Voter, Volonté et Victoire. Cette manifestation a réuni plus de 1 800 000 personnes selon la Guardia urbana, la police de la ville dans une ambiance familiale, festive et pacifiste. Cette manifestation revendiquait la tenue d'un Référendum sur l'autodétermination de la Catalogne, le , que le gouvernement de l'État espagnol considère illégal.

Afrique

Tunisie

Algérie

Libye

Égypte

Québec

  • Février 2003 : Une manifestation contre le déclenchement de la guerre en Irak rassemble 150 000 personnes à Montréal[18].
  • Mars 2005 : Plusieurs manifestations à travers le Québec dans le cadre de la grève étudiante. Ces manifestations regroupent des étudiants du CÉGEP et de l'université en faveur de la gratuité scolaire en général, mais surtout pour le retrait du projet de loi du gouvernement libéral visant à transférer 103 millions de dollars de bourses en prêts. Les manifestations culminent vers la fin du mois de mars avec une manifestation réunissant 200 000 personnes dans les rues de Montréal.
  • Mars 2012 : Manifestation qui a eu lieu à Montréal dans le cadre de la grève étudiante contre la hausse des frais de scolarité au Québec. Cette manifestation s'est passée dans le calme. Elle a réuni au plus de 200 000 étudiant(e)s et citoyens. À ne pas confondre avec le rassemblement pour le Jour de la Terre du .
  •  : Une manifestation monstre a eu lieu à Montréal dans le cadre de la grève étudiante contre la hausse des frais de scolarité au Québec. Cette manifestation s'est passée dans le calme. Elle a réuni plus de 300 000 personne. L'occasion de cette manifestation se tient également à l'occasion du Jour de la Terre.
  •  : Dans le mouvement mondial pour le climat qui font sortir des millions de manifestants sur la planète, 500 000 personne étaient dans les rues de Montréal.

Notes et références

  1. Christian Harbulot, « Mouvement de masse et guerre de l’information »
  2. « Tout savoir sur le droit de manifester en France », sur Amnesty France (consulté le 14 janvier 2019)
  3. « HCDH | Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et d’association », sur www.ohchr.org (consulté le 14 janvier 2019)
  4. « Des actions collectives et des actes quotidiens - En manifestant », sur vie-publique.fr, (consulté le 20 mai 2016)
  5. Guy Groux et Jean-Marie Pernot, La Grève, Presses de Sciences Po, 2008, p. 142.
  6. « Dispersion d'une manifestation d'étudiants au Venezuela », sur lexpress.fr,
  7. Samuel Hayat, Quand la République était révolutionnaire : citoyenneté et représentation en 1848, Seuil, , 405 p. (ISBN 978-2-02-113639-5, lire en ligne), p. 185-186.
  8. vidéo INA
  9. « Communiqué sur Twitter, », sur twitter.com/LaManifPourTous,
  10. Communiqué de la préfecture de Police : évaluation du nombre de participants à « la Manif pour tous ».
  11. « Marche républicaine : 3,7 millions de Français ont défilé dans tout le pays », sur rtl.fr, (consulté le 12 janvier 2015)
  12. François Musseau, « Huit millions d'Espagnols dans la rue », Libération, (consulté le 16 septembre 2014)
  13. Pierre Rousselin, « Espagne : la jeunesse en révolte contre la crise », Le Figaro, (consulté le 17 septembre 2014)
  14. AFP, « À Barcelone, très forte mobilisation des Catalans pour l'indépendance », le Monde, (consulté le 17 septembre 2014)
  15. (en) The Aassociated Press, « Eying Scotland, Spain Catalans Seek Secession Vote », The New York Times, (consulté le 17 septembre 2014)
  16. (en) The Aassociated Press, « Catalans stage mass protest in Barcelona to back referendum », Financial Times (payant), (consulté le 17 septembre 2014)
  17. (en) Elena Gyldenkerne, « Catalans form human V for Vote to seek choice on split from Spain », Reuters, (consulté le 17 septembre 2014)
  18. Clairandrée Cauchy, « La plus grosse manifestation de l'histoire du Québec », sur ledevoir.com,

Annexes

Bibliographie

  • Olivier Fillieule et Danielle Tartakowsky, La manifestation, Paris, Presses de Sciences Po, coll. « Contester », , 224 p. (ISBN 9782724614213, lire en ligne).
  • Guy Groux et Jean-Marie Pernot, La Grève, Presses de Sciences Po, 2008.
  • Mathieu Colloghan, Manif, roman graphique, Les Éditions Adespote, 2017
  • Danielle Tartakowsky, Les manifestations de rue en France, 1918-1968, Publications de la Sorbonne, 1998.

Articles connexes

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