Jacques Julliard
Jacques Julliard, né le à Brénod, est un essayiste, historien et journaliste français.

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Marcien Julliard (d) |
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Suzanne Julliard (d) (depuis ) |
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Éditorialiste du Nouvel Observateur durant 32 ans, il est ensuite passé à Marianne. Il a aussi été responsable syndical.
Biographie
Famille et études supérieures
Il est né le [1],[2] à Brénod, une commune du Haut Bugey dont son père Marcien et son grand-père Marius avaient été maires. Dans cette famille de notables locaux enrichis par le commerce de vin, il baigne dans un milieu républicain de tradition radicale, voire anticléricale. Mais il suit quand même le catéchisme sous l’influence d’une mère catholique, pratiquante mais critique à l’égard de l’Église.
Élève au collège de Nantua, il entre en 1950 en khâgne au lycée du Parc à Lyon. Deux proches de Mounier le marquent alors parmi ses professeurs : d’abord, Jean Lacroix, collaborateur d’Esprit et philosophe personnaliste ne cachant pas son intérêt pour Proudhon ; ensuite l’aumônier de la khâgne, Lucien Fraisse, qui enseigne un mélange de christologie et de réflexion sur l’insertion politique de la religion. Mais les lectures de Proudhon, Marx, Pascal, Kant et Jules Lagneau restent prépondérantes chez un esprit qui se définit alors comme « catho-proudhonien[3] ». Politiquement neutraliste, anticommuniste mais ni pacifiste ni antiaméricain, il fonde un club de réflexion qui, s’inscrivant dans la mouvance de L’Observateur (1950), lui permet de faire la connaissance de Gilles Martinet.
En 1954, il est reçu à l’École normale supérieure comme germaniste. Mis en contact avec la revue Esprit par le biais de Jean Lacroix, il en intègre l’année suivante les instances, et notamment son groupe politique, où il croise Pierre Viansson-Ponté, Olivier Chevrillon, Claude Bourdet ou Michel Crozier.
En 1958, il est reçu 41e à l'agrégation d'histoire[4].
Engagé syndical et anticolonialiste
Il contracte au cours de son engagement syndical des positions anticolonialistes et est éveillé à la question de l’impérialisme et du « totalitarisme » soviétiques. Mais s’il est « compagnon de route » de divers mouvements catholiques de gauche, il reste opposé au rôle que peut jouer l’Église dans la société politique. Il préfère s’investir dans le syndicalisme étudiant à l’UNEF où, à la suite d’un voyage en Algérie (1955), il succède à Robert Chapuis au poste de vice-président aux affaires d’outre-mer. Il organise avec François Borella la conférence nationale étudiante pour une solution au problème algérien en et prononce l'allocution d'ouverture, ce qui valut à Borell une inculpation pour atteinte à la sûreté de l'État.[5],[6].
En 1956, il quitte l’UNEF pour présider la conférence nationale étudiante pour la solution du problème algérien. C'est ainsi qu’il entre en contact avec Paul Vignaux, qui le fait entrer au SGEN et participer au groupe Reconstruction. Ce dernier fut, avec Esprit et l’UNEF, le troisième principal lieu de sociabilité où s’effectue sa formation intellectuelle et politique. Il y fait par exemple la connaissance d’Edmond Maire, d'Eugène Descamps, d'Albert Détraz, de Gilles Declercq ou encore de Pierre Mendès France.
Il est alors envoyé en en Algérie, où il sert comme officier d’action psychologique auprès des populations civiles. De retour à Paris en , il est nommé professeur de lycée à Chartres.
L’année suivante, lui sont confiées les fonctions de secrétaire du SGEN-CFDT pour le second degré.
Carrière universitaire
Il entra au CNRS comme attaché de recherches et commença un double cursus (universitaire/syndicaliste) qui ne bridait pas ses activités intellectuelles en 1962.
Sur le plan universitaire, il est accueilli dans le groupe constitué autour d’Ernest Labrousse et collabore à la revue Le Mouvement Social, aux côtés notamment d'Annie Kriegel, de Madeleine Rebérioux, de Jacques Ozouf et de Jean Maitron. Il commence une thèse sur Fernand Pelloutier et le syndicalisme révolutionnaire qui, finalement, ne sera pas soutenue.
L’année 1965 le voit abandonner la recherche fondamentale et enseigner durant une an à l’Institut d'études politiques de Bordeaux. L’année suivante, il quitte le CNRS pour enseigner à la fois à l’Institut d'études politiques de Paris comme maître de conférence, et à la Sorbonne comme assistant d’histoire contemporaine.
En , il fonde avec Jacques Ozouf le département d'histoire de l'Université de Vincennes. Promu maître-assistant membre du noyau cooptant chargé de recruter les enseignants, il fait venir son ami Michel Winock. La même année 1968, il commence à enseigner également au Centre de formation des journalistes (CFJ) et publie Naissance et mort de la Quatrième République (Calmann-Lévy), son second livre après Clemenceau, briseur de grèves (Julliard, 1965), où il était notamment question de la grève sanglante de Draveil-Villeneuve-Saint-Georges survenue en 1908.
En 1976, il présenta sa candidature à l'EHESS. Élu directeur d’études en 1978, il réduisit sa collaboration à la revue Esprit même s’il resta membre du comité de rédaction installé avec la nouvelle formule en 1977.
En , il fait partie des 34 signataires de la déclaration rédigée par Léon Poliakov et Pierre Vidal-Naquet pour démonter la rhétorique négationniste de Robert Faurisson[7]. Il sera un peu plus tard l'un des instigateurs de la pétition Liberté pour l'histoire.
Membre de la direction de la CFDT
Sur le plan syndical, il devient semi-permanent et milite auprès de Paul Vignaux pour la déconfessionnalisation de la CFTC. Enfin, sur le plan intellectuel, il s’investit à la revue Esprit avec par exemple un article sur « La morale en question » (no 310, ) et des chroniques sur le mouvement syndical, la crise de l’UNEF ou l’évolution du Parti communiste. C'est d’ailleurs par Esprit qu’il côtoie le Club Jean Moulin sans y adhérer de crainte d’être mal vu à la CFTC.
Il participa activement, en 1967, aux débats internes à la CFDT sur ses rapports avec les partis politiques, défendant ardemment une stratégie autonome.
En Mai 68, il participa, comme représentant de la CFDT à la Sorbonne, aux événements et aux discussions, y apparaissant comme un élément modéré de la contestation.
Mais son soutien à cette dernière provoque sa rupture avec Paul Vignaux et sa démission, quelques mois plus tard, du bureau national du SGEN. Il apparaît pourtant comme un modéré.
Les années 1977-1978 le voient se détacher de ses activités syndicales et éditoriales au profit des sphères universitaires et journalistiques. Il quitta ses fonctions confédérales à la CFDT au congrès de 1976.
En 1967, il cessa de donner des cours au CFJ et intégra le bureau confédéral de la CFDT comme représentant du SGEN.
Soulignant l’impasse politique du « gauchisme » comme du PSU, il soutient et participe aux processus des Assises du socialisme jusqu’à son adhésion au PS en 1974. Il salue d’ailleurs les ouvrages de Michel Rocard (Questions à l’État socialiste, 1973), Robert Chapuis (Les Chrétiens et le socialisme, 1976) et Patrick Viveret (Attention Illich, 1976), amis politiques avec qui, au sein de la revue Faire, il s’attache à la modernisation idéologique du parti à partir de 1975.
Il intervint aussi épisodiquement sur l’Université et sur la CFDT, soutenant la démarche de sa direction lors des Assises du socialisme ou du congrès de 1979.
Carrière journalistique et éditoriale

En 1966, il entra aux Éditions du Seuil (grâce à Jean-Marie Domenach), comme directeur de la collection « Politique ».
Par ailleurs, il maintint une collaboration active à la revue Esprit, en particulier à travers des chroniques de politique intérieure. C'est d’ailleurs par ces dernières qu’il est remarqué par André Gorz et présenté par ce dernier à Jean Daniel pour collaborer au Nouvel Observateur. Dès sa première entrevue avec le directeur de la rédaction apparaît une profonde connivence intellectuelle qui débouche tout de suite sur une proposition de collaboration au journal.
En effet, s’il avait déjà publié une critique en 1967, sa collaboration s’amorce en pour prendre un rythme plus soutenu en 1973. À partir de , il remplaça Jacques Ozouf pour l’analyse des sondages politiques mais reste extérieur au service politique, ses interventions prenant surtout la forme de tribunes et d’articles de fond sur la situation politique. Il joue aussi un rôle de premier plan dans les débats intellectuels qu’abrite le journal. Ainsi, il lance le débat sur la nouvelle philosophie () et sur « Le tiers-monde et la gauche » (), participe à celui sur la révolution iranienne (), le boycott des jeux olympiques de Moscou () et conclut celui sur L’Idéologie française de Bernard-Henri Lévy ().
Passant parfois aux pages littéraires comme critique d’essais, il s’attache à faire connaître Hannah Arendt, Sorel, Proudhon, Péguy ou encore Gramsci. En dehors de livres d’histoire, il salue aussi les ouvrages d’« amis » – personnels ou du journal – comme Pierre Vidal-Naquet (La Tribune dans la République, 1972), Maurice Clavel (Les Paroissiens de Palente, 1974), Roger Priouret (Les Français mystifiés, 1974), ou André Gorz (Adieux au prolétariat, 1980). Mais en , il n’hésite pas à critiquer avec force L’Idéologie Française de Bernard-Henri Lévy et à s’en prendre au rôle de « directeur de conscience » joué par Jean Daniel. Enfin il lui arrive de faire des interviews d’historiens (Le Roy Ladurie, Ferro) ou d'hommes politiques, comme Mendès-France ().
S'il s’investit au Nouvel Observateur, où il est nommé éditorialiste en en compagnie d’André Gorz, Roger Priouret et Claude Roy, il n’en reste pas moins peu présent au journal.
À la fin de 1982, il crée la revue politique et culturelle Intervention, proche de Michel Rocard et de la « Deuxième gauche ». En 1983, à la suite de la constitution de la Société d'études soréliennes, naissent les Cahiers Georges Sorel, qu'il dirige. En 1989, cette revue modifie son titre et devient Mil neuf cent. Revue d'histoire intellectuelle.
Il a été le producteur sur France Culture, de l'émission Le grand débat, qui réunissait chaque semaine plusieurs personnalités venant débattre, en public, de thèmes divers de l'actualité. Ces émissions ont figuré parmi les grandes heures de la chaîne, d' à , et Jacques Julliard était assisté de Jacques Rouchouse.
En 2006, il s'oppose à la proposition de loi concernant la reconnaissance du génocide arménien et prend la défense de l'historien controversé Bernard Lewis[8].
Il est nommé membre du Comité pour la réforme des collectivités locales en .
Le , se déclarant en profond désaccord[réf. souhaitée] avec les thèses[Lesquelles ?] défendues à l'époque par le Nouvel Observateur, il quitte l'hebdomadaire pour Marianne, où il intervient comme éditorialiste à partir du 1er décembre[9],[10]. Par la suite, il devient également chroniqueur au Figaro.
Vie privée
Il est l'époux de Suzanne Agié depuis 1957. Née en 1931 à Decazeville, celle-ci est ancienne élève de l’École normale supérieure de jeunes filles, où elle a été admise en 1952, et professeur agrégée de lettres classiques (1956). Elle a enseigné en province et à Paris, avant d'être nommée professeur de khâgne au lycée Fénelon. Elle a publié aux Éditions de Fallois une Anthologie de la poésie française (2002), puis une Anthologie de la prose française (2015). Elle est chevalier de la Légion d’honneur et officier de l’ordre national du Mérite.
Ouvrages
- Clemenceau briseur de grèves. Draveil-Villeneuve-Saint-Georges, Julliard, «collection Archives», 1965 (rééd. 2004)
- Fernand Pelloutier et les origines du syndicalisme d'action directe, Seuil, «L'univers historique» (version allégée «Points»), 1971
- La IVe République (1947-1958), Calmann-Lévy, 1968 (rééd. Le livre de poche, 1988)
- La CFDT aujourd'hui, Seuil, « Essais », 1975 (avec Edmond Maire)
- « Le Monde » de Beuve-Méry, ou le métier d'Alceste, Seuil, « Essais », 1979 (avec Jean-Noël Jeanneney)
- La faute à Rousseau, Seuil, 1985
- Autonomie ouvrière. Études sur le syndicalisme d'action directe, Gallimard-Seuil, 1988, (ISBN 2-02-010105-X)
- La République du centre, Hachette, « Pluriel », 1989 (avec François Furet et Pierre Rosanvallon)
- Le génie de la liberté,Seuil, Paris, 1990, (ISBN 2-02-012078-X)
- Chroniques du septième jour, Seuil, « Essais », 1991
- La droite et la gauche, Robert Laffont, 1995
- L'année des dupes, Seuil, « Journal de la fin du siècle », 1996
- La mort du roi, essai d'ethnographie politique comparée (en dirige la rédaction), Gallimard, 1996
- La faute aux élites, Gallimard, 1997
- Pour la Bosnie, Seuil, « Essais », 1998
- L'année des fantômes. Journal 1997, Grasset, 1998
- La pensée unique : le vrai procès, ouvrage collectif (avec Jean Foyer, Michel Godet, Claude Imbert, Philippe Tesson, Jean-Pierre Thiollet, Thierry Wolton), Economica/Jean-Marc Chardon et Denis Lensel Ed., 1998 (ISBN 2-7178-3745-0).
- Ce fascisme qui vient, Seuil, « Essais », 1999
- Dictionnaire des intellectuels français (dir.), Seuil, 2002 (avec Michel Winock)
- Le choix de Pascal, Desclée de Brouwer, 2003 (entretiens avec Benoît Chantre)
- Rupture dans la civilisation : le révélateur irakien, Gallimard, 2003
- Que sont les grands hommes devenus ? Essai sur la démocratie charismatique, Saint-Simon, 2004
- Le Malheur français, Flammarion, « Café Voltaire », 2005
- La Reine du monde. Essai sur la démocratie d'opinion, Flammarion,
- L'argent, Dieu et le Diable. Péguy, Bernanos, Claudel face au monde moderne, Flammarion,
- Que sont les grands hommes devenus ? : Essai sur la démocratie charismatique, Éditions Perrin, coll. « Tempus », (ISBN 978-2262033415). Réédition, revue et augmentée.
- Les gauches françaises. 1762-2012 : Histoire, politique et imaginaire, Flammarion,
- - Prix Jean-Zay 2012[11].
- Le choc Simone Weil, Flammarion, « Café Voltaire », 2014, 144 pages.
- Alain Dreyfus, Simone Weil, l'incandescente, Marianne, , [lire en ligne], [lire en ligne].
- La Gauche et le Peuple, avec Jean-Claude Michéa, Flammarion, 2014, (ISBN 978-2-08-131313-2)
- L'École est finie, Flammarion, « Café Voltaire », 2015, 126 pages, (ISBN 978-2-0813-7896-4).
- avec Jean-Claude Michéa, La gauche et le peuple, Flammarion, collection « Champs essais », 2017, 320 pages.
- L'esprit du peuple, Robert Laffont, Bouquins, 2017, 1152 p.
- Allons-nous sortir de l'Histoire ?, Flammarion, 2019, 328 p.
Notes et références
- Fiche biographique de Jacques Julliard sur le site de l'UJJEF-Communication et Entreprise.
- Notice d'autorité de la BNF.
- Jacques Julliard, Le choix de Pascal, Paris, Desclée de Brouwer, 2003, p. 35.
- « Les agrégés de l'enseignement secondaire. Répertoire 1809-1960 | Ressources numériques en histoire de l'éducation », sur rhe.ish-lyon.cnrs.fr (consulté le 4 juin 2019).
- « 1956, quand l'UNEF bascule », citée des mémoires étudiantes, (lire en ligne, consulté le 14 mai 2017).
- Jacques Juillard et al., Pour une solution en Algérie : origines du problème algérien, conditions et éléments d’une solution, Becherel, Extraits des travaux de la Conférence nationale étudiante pour une solution du problème algérien, .
- Valérie Igounet, Histoire du négationnisme en France, Paris, Le Seuil, coll. « La Librairie du XXe siècle », (ISBN 2-02-035492-6), p. 237.
- « les bienfaits de la culture française », Les Mots sont importants, 21 février 2016.
- Jacques Julliard quitte « le Nouvel Obs » pour « Marianne », Libération.fr, 17 novembre 2010.
- Jacques Julliard arrive à Marianne, Marianne 2, 17 novembre 2010.
- Gilles Anquetil, Laurent Joffrin et François Armanet, « La guerre des gauches ne date pas d'hier », sur nouvelobs.com, (consulté le 5 décembre 2012)
Liens externes
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- Ressources relatives à la recherche :
- Ressource relative à la vie publique :
- Blog de Jacques Julliard sur le site internet du Nouvel Observateur
- Articles critiques concernant les interventions de Jacques Julliard dans les médias de masse, écrits par Action critique médias (Acrimed)
- « Les bienfaits de la culture française » : article critique de Pierre Tevanian sur les prises de position de Jacques Julliard sur divers sujets d'actualité.
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