Giotto di Bondone

Giotto di Bondone ou Ambrogiotto di Bondone, dit Giotto, né en 1266 ou 1267[1] à Vespignano ou Romignano, et mort le à Florence, est un peintre, sculpteur et architecte florentin du Trecento, dont les œuvres sont à l'origine du renouveau de la peinture occidentale. C'est l'influence de sa peinture qui va provoquer le vaste mouvement général de la Renaissance à partir du siècle suivant.

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Giotto di Bondone
Giovanni Duprè (1817-1882), Giotto (1845),
Florence, piazzale des Offices.
Naissance
Décès
Activité
Maître
Élève
Mouvement
Père
Bondone (d)
Œuvres principales

Giotto se rattache au courant artistique de la Pré-Renaissance, dont il est l'un des maîtres, qui se manifeste en Italie, au début du XIVe siècle. En cette fin du Moyen Âge, Giotto est le premier artiste dont la pensée et la nouvelle vision du monde aidèrent à construire ce mouvement, l'humanisme, qui place l'homme au centre de l'univers et le rend maître de son propre destin.

Les fresques que Giotto a peintes à Florence (basilique Santa Croce de Florence), à Assise (basilique Saint-François d'Assise) et à Padoue (chapelle des Scrovegni dans l'église de l'Arena de Padoue) figurent parmi les sommets de l'art chrétien.

Son influence sur les générations d'artistes qui le suivirent est immense à tel point qu'on a pu parler d'écoles « giottesques » à propos de certaines écoles de peinture regroupant des peintres dont l'œuvre a été marquée par celle du maître toscan. Des peintres comme ceux de l'école de Rimini (Giovanni Baronzio, Neri da Rimini, Pietro da Rimini) figurent parmi ses héritiers[2] à la suite du passage de Giotto, difficile à dater (vraisemblablement entre 1303 et 1309) dans leur ville, où, entre ses séjours à Padoue et Assise, il était venu peindre un cycle de fresques (aujourd'hui perdues) pour l'église San Francesco.

Biographie

Plaque commémorative à Vespignano.
Anonyme, Cinq Maîtres de la Renaissance florentine (entre 1490 et 1550), Paris, musée du Louvre. Détail : portrait de Giotto.
Plaque commémorative sur le pont de Cimabue.
Vierge à l'enfant (vers 1320), peinture sur bois, Washington, National Gallery of Art.
Portrait de Dante Alighieri, détail de la fresque de Giotto dans la chapelle du Bargello à Florence.

Giotto naît dans une famille paysanne de Colle di Vespignano (ou à Romignano), un village près de Vicchio di Mugello, au nord-est de Florence, en Toscane.

La rencontre avec Cimabue

D'après la légende, recueillie par Lorenzo Ghiberti et Giorgio Vasari, « Giotto enfant aurait commencé par garder les chèvres de son père Bondone, et le peintre Cimabue, le surprenant à dessiner sur une pierre avec un charbon près d'un cours d'eau, émerveillé de son génie précoce, aurait emmené le jeune berger, âgé d'une douzaine d'années, dans son atelier ». On peut voir la pierre commémorative près du pont relatant cette rencontre hypothétique.

D'autres textes plus récents affirment qu'ils se seraient rencontrés à Florence. Quoi qu'il en soit, c'est bien Cimabue qui assura la formation de ce jeune garçon au talent prometteur.

Dans sa technique, Giotto marque une rupture avec l'art gothique italien du Duecento. Passant d'une conception hiératique de la peinture, c’est-à-dire symbolique de la représentation des personnages dans une conception plutôt figée de la stature, il lui insuffle un certain naturalisme. Ainsi, il représente des scènes dans lesquelles l'accent est mis sur la communication entre les personnages et la perspective à un point de fuite, quoique l'espace représenté y soit parfois ambigu étant donné l'emplacement des personnages qui cachent les vecteurs. Tout en laissant de côté la représentation française délicate des personnages pour en accentuer la solidité, il continue tout de même à puiser dans le répertoire des motifs gothiques tels que les quadrilobes.

De sa femme, Ciuta di Lapo di Pela, Giotto eut huit enfants, dont l'aîné, Francesco, fut inscrit en 1311 dans la compagnie des peintres de Florence. Il eut Taddeo Gaddi, Bernardo Daddi, Puccio Capanna et Ottaviano da Faenza comme élèves.

Ses peintures sont d'inspiration religieuse : nombreux retables, grandes surfaces couvertes de fresques à Padoue (scènes de la Bible à la chapelle de l'Annunziata ou des Scrovegni) et à Assise (église inférieure de la basilique et, surtout, scènes de la vie de François d'Assise dans l'église supérieure de la même basilique Saint-François, fresques du Palazzo della Ragione de Padoue, détruites en 1420).

Giorgio Vasari montre dans son œuvre l'espièglerie de Giotto :

« On rapporte que Giotto, dans sa jeunesse, peignit un jour d'une manière si frappante une mouche sur le nez d'une figure commencée par Cimabue que ce maître, en se remettant à son travail, essaya plusieurs fois de la chasser avec la main avant de s'apercevoir de sa méprise. »

 Giorgio Vasari, Le Vite

Les fresques de la basilique Saint-François d'Assise

Un Habitant d'Assise étend son manteau sous les pas de François, une des fresques de la vie de saint François à Assise, basilique Saint-François d'Assise.

Les murs de l'église supérieure de la basilique Saint-François d'Assise, à une seule nef avec abside et vitraux, sont couverts des extraordinaires fresques allégoriques de Giotto sur la vie du saint, réalisées dans la dernière décennie du XIIIe siècle.

Elles y côtoient des œuvres de Simone Martini (vers 1280-1344) - les Épisodes de la vie et de la passion du Christ, et d'Ambrogio Lorenzetti (v. 1290-1348), La Madone et les saints et les Stigmates. On s'accorde généralement à reconnaître aujourd'hui que les vingt-huit fresques de la Vie de saint François, peintes sur les deux murs de la nef et au revers de la façade, sont toutes de la main de Giotto.

Ces fresques, qui inauguraient une manière de peindre neuve et vivante, tout appuyée sur l'observation de la nature, la précision expressive des attitudes et des traits, durent exciter l'enthousiasme des contemporains. C'était la première fois que l'on rompait aussi ouvertement avec la tradition byzantine, avec les thèmes de convention éternellement reproduits selon les mêmes règles, pour s'inspirer des récits populaires et des usages du temps.

En 1298, ayant probablement achevé les fresques d'Assise, il se rend à Rome pour un premier séjour à l'appel du cardinal Jacopo Gaetani dei Stefaneschi, neveu du pape Boniface VIII.

Œuvres réalisées à Rome

Plus tard, le pape Benoît XI, via un de ses émissaires, pressa Giotto de lui donner la plus pure preuve de son talent. Ce dernier traça alors sur une feuille destinée au souverain pontife un cercle parfait à main levée. L'ancien berger démontrant son génie put alors voyager à Rome pour y réaliser plusieurs œuvres[3].

À Rome, Giotto exécuta un certain nombre d'ouvrages dont plusieurs sont perdus ou ruinés, entre autres un crucifix peint a tempera pour l'église de Santa Maria sopra Minerva, et les fresques de San Giorgio in Velabro, dont Stefaneschi avait été créé cardinal-diacre en 1295.

Plus importantes sont les œuvres laissées par Giotto dans la basilique Saint-Pierre, la célèbre mosaïque monumentale de La Navicella, qui orne maintenant le vestibule de l'immense église - primitivement elle en décorait la façade -, et le retable du maître-autel, conservé, depuis le XVIe siècle, dans la sacristie des chanoines. Ce retable, qui a la finesse d'une miniature, est peint à la détrempe sur fond d'or. Il se compose de trois panneaux gothiques, terminés par des pinacles, et d'un gradin, également en trois parties. Les grands panneaux sont peints sur les deux faces. Au centre de la face principale, le Christ bénissant trône au milieu de huit anges ; sur les panneaux latéraux sont représentés la Crucifixion de l'apôtre Pierre et la Décollation de Paul de Tarse. Au revers du panneau central on voit Pierre en costume pontifical, trônant entre deux anges : au pied du trône, le cardinal Stefaneschi, en vêtement de diacre, assisté de ses deux patrons, saint Jacques et saint Gaëtan, est conduit par Georges de Lydda devant le prince des apôtres, auquel il offre à genoux un triptyque, figure abrégée du retable de Giotto ; sur les panneaux latéraux sont figurés en pied les apôtres André et Jean, Jacques de Zébédée et Paul. Enfin, sur le gradin, la Vierge Marie, trônant entre deux anges, a pour cortège les douze apôtres, debout en des attitudes variées.

Passage à Rimini

La présence de Giotto à Rimini est difficilement datable avec précision et il y est probablement passé dans ses voyages entre Assise et Padoue, avant ou après son séjour à Padoue pour les fresques de l'Arena. Malgré cette imprécision, son influence sur les artistes de l'école de Rimini (Giovanni Baronzio, Pietro da Rimini, Neri da Rimini) est incontestable, à tel point qu'on a pu parler à leur sujet d'« école giottesque de Rimini. »

Les fresques de l'église de l'Arena

L'Ascension du Christ, une des fresques de l'église de l'Arena de Padoue.

De 1303 à 1306, Giotto est à Padoue où il peint les cinquante-trois fresques de la chapelle Scrovegni ou chapelle Santa Maria dell'Arena dans l'église de l'Arena, qui sont considérées comme son chef-d'œuvre et l'un des tournants de l'histoire de la peinture européenne. Il avait probablement autour de quarante ans quand il a commencé la décoration de la chapelle, où il peint des fresques relatant la vie du Christ, qui sont un des sommets de l'art chrétien.

La réalisation du cycle complet a pris environ deux années - un temps étonnamment court - et cela ne peut s'expliquer que par la totale maîtrise technique à laquelle était parvenu Giotto et une organisation radicalement nouvelle de son travail. Il semble qu'il ait pleinement tiré profit de son expérience précédente à Assise pour mener à bien la décoration de la chapelle Scrovegni.

Une tradition fort sérieuse considère que Dante Alighieri - exilé de Florence en 1302 - se trouvait à Padoue en même temps que Giotto y effectuait ce travail et attribue à son influence le choix d'une partie des compositions dont Giotto décora la chapelle de Santa Maria dell’Arena. Dans l'Enfer de Dante se retrouvaient certains des contemporains que le poète jugeait indignes du salut mais qu'il ne nommait pas expressément, se contentant de les désigner symboliquement par leurs armoiries. Il avait ainsi précipité en enfer, au chant dix-septième de la Divine Comédie, Reginaldo Scrovegni, usurier célèbre de Padoue, en évoquant les armoiries de la famille figurées par « une grosse truie d'azur ».

Voyage à Naples

Giorgio Vasari dans son célèbre ouvrage Les Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes fait entreprendre à Giotto de nombreux voyages, mais peu sont documentés. Le périple de Giotto dans le Sud de l'Italie est confirmé par les archives. Début 1330, par l'intermédiaire de Charles, duc de Calabre, le roi Robert Ier de Naples appelait Giotto à Naples, où il demeurait jusqu'en 1333[4]. Parmi toutes les fresques de style giottesque conservées à Naples, il paraît difficile de lui en attribuer quelqu'une de façon précise, sauf peut-être une Multiplication des pains et des poissons, dans une salle ayant fait partie du couvent de Santa Chiara.

Giotto architecte : le campanile de la cathédrale de Florence

Le campanile de la cathédrale de Florence (1334-1357).

Comme architecte et comme sculpteur, Giotto a laissé à Florence un monument d'une élégance et d'une harmonie incomparables, le campanile de la cathédrale. Ce fut le que la commune de Florence honora Giotto du titre de Magnus magister (Grand maître) et le nomma architecte en chef (capomaestro) de Santa Maria del Fiore, appelée alors Santa Reparata. Cette cathédrale, commencée par Arnolfo di Cambio, n'avait pas encore de façade, de coupole ni de campanile. Il est probable que Giotto éleva les premières assises de la façade, et c'est à lui sans doute qu'il faut attribuer le dessin si délicat des fenêtres dans les nefs latérales.

Mais son œuvre incontestable est le campanile, tour carrée à trois étages de fenêtres, qui s'élève, sur la droite de la façade, à 84 mètres de hauteur. Décoré jusqu'au sommet d'incrustations de marbres de couleur, rehaussé de bas-reliefs et de statues, ce campanile est une merveille de grâce et de légèreté. Les fenêtres, qui vont s'agrandissant d'étage en étage, ajoutent à sa sveltesse aérienne ; avec le travail infini de leurs colonnettes, avec leur dentelle de marbres variés, elles sont peut-être, comme l'observe justement l'historien suisse Jacob Christoph Burckhardt, la plus belle œuvre de détail de tout le gothique italien, mais sa mort en 1337 marquera l'arrêt de sa contribution à cet édifice.

Le campanile, dans la pensée de Giotto, devait se terminer par une flèche élancée, à laquelle renoncèrent les successeurs du maître, Andrea Pisano et Francesco Talenti jusqu'en 1357. Des deux guirlandes de bas-reliefs qui s'enroulent à sa base, la première est due, pour la composition, en partie même pour l'exécution, à Giotto. Il a voulu y résumer philosophiquement toute la vie et toutes les inventions humaines.

Giotto mourut à Florence le et fut enseveli avec pompe dans la cathédrale dont il avait été l'architecte.

Citations à propos de Giotto

Plusieurs témoignages littéraires, qui ne nous apprennent pas grand-chose sur la vie de Giotto, marquent l'influence de l'œuvre de Giotto sur ses contemporains parmi lesquels le chant XI du Purgatoire de Dante  qui fut son ami  la nouvelle VI, 5 Décaméron de Boccace et Le Vite de' più eccellenti pittori, scultori e architettori de Vasari.

Boccace, dans une nouvelle du Décaméron, écrite vers 1350, se montre particulièrement enthousiaste au sujet de la peinture de Giotto :

« Il possédait un génie si puissant, que la Nature, mère et créatrice de toutes choses, ne produit rien, sous les éternelles évolutions célestes, qu'il ne fût capable de reproduire avec le stylet, la plume ou le pinceau : reproduction si parfaite que, pour les yeux, ce n'était plus une copie, mais le modèle lui-même. Très souvent ses œuvres ont trompé le sens visuel, et l'on a pris pour la réalité ce qui est une peinture »

 Boccace, le Décaméron, Sixième Journée, Cinquième Nouvelle, Classiques Garnier, 1952, p. 413.)

Quelques œuvres

Vie de Saint François, Florence, chapelle Bardi de la basilique Santa Croce. Détail de la scène de L'Apparition des stigmates du Christ.
Saint François d'Assise recevant les stigmates, musée du Louvre.

Galerie

Hommages

Notes et références

  1. « Giotto », sur larousse.fr
  2. Luciano Bellosi, Giotto et son héritage artistique, traduit de l'italien par CIEL (Centre international d'études linguistiques), 1 vol. 383 p.
  3. Giorgio Vasari, Les Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes, Florence, (lire en ligne), p. 207
  4. Éditions Larousse, « Encyclopédie Larousse en ligne - Giotto ou Giotto di Bondone », sur larousse.fr (consulté le 9 août 2013)
  5. (en) « Notice NGA n° 1939.1.256 », sur le site de la National Gallery of Art

Annexes

Sources

  • Article « Giotto » de « La grande encyclopédie : inventaire raisonné des sciences, des lettres et des arts », réalisée par une société de savants et de gens de lettres sous la direction de MM. Berthelot, Hartwig Derenbourg, F.-Camille Dreyfus [et al.] Réimpression non datée de l'édition de 1885-1902. Paris, Société anonyme de « La grande encyclopédie », [191-?], tome XVIII, pages 953 et suivantes.

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes

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