Copyleft

Le copyleft (🄯), parfois traduit comme gauche d'auteur, est l'autorisation donnée par l'auteur d'un travail soumis au droit d'auteur (œuvre d'art, texte, programme informatique ou autre) d'utiliser, d'étudier, de modifier et de diffuser son œuvre, dans la mesure où cette même autorisation reste préservée.

Ne doit pas ĂŞtre confondu avec Logiciel libre.
Le symbole du copyleft, avec un C rĂ©flĂ©chi (ouvert Ă  gauche), est l’« opposĂ© » du copyright (C ouvert Ă  droite). En 2009, il n’est pas reconnu comme symbole lĂ©gal en France[Passage Ă  actualiser].

Le concept de copyleft a été introduit au cours des années 1970 pour désigner une forme des licences de propriété intellectuelle[1].

L'auteur refuse donc que l'Ă©volution possible de son travail soit accompagnĂ©e d'une restriction du droit Ă  la copie, Ă  l'Ă©tude, ou Ă  de nouvelles Ă©volutions. De ce fait, le contributeur apportant une modification (correction, ajout, rĂ©utilisation, etc.) est contraint de redistribuer ses propres contributions avec les mĂŞmes libertĂ©s que l'original. Autrement dit, les nouvelles crĂ©ations rĂ©alisĂ©es Ă  partir d'Ĺ“uvres sous copyleft hĂ©ritent de fait de ce statut de copyleft : ainsi, ce type de licence permet un partage de la crĂ©ation ou de la connaissance, comme bien commun, qui permet aux Ĺ“uvres culturelles d'ĂŞtre dĂ©veloppĂ©es librement.

Jeu de mots et traductions

Le terme copyleft est un jeu de mot construit par opposition au terme copyright. Dans sa structure, il joue sur l'opposition droite/gauche (right/left). Dans sa signification, left ne fait pas référence au prétérit de leave (laisser, abandonner)[2] ; c'est une référence à l'image en miroir de right. Le copyleft est un moyen de se servir du copyright de l’œuvre ; cela ne signifie pas d'abandonner le copyright[2]. En réalité, faire cela rendrait le copyleft impossible.

L'idĂ©e suggĂ©rĂ©e par copyleft est donc laisser copier, en opposition avec copyright (droit de reproduction/d'auteur). Il est tantĂ´t traduit en français par gauche d'auteur (par le projet GNU ou la FSF) par opposition Ă  droit d'auteur, mais en perdant alors la notion de copie autorisĂ©e ; tantĂ´t aussi par copie laissĂ©e dans le sens : droits de reproduction autorisĂ©e.

Fondements

« L'idĂ©e centrale du copyleft est de donner Ă  quiconque la permission d'exĂ©cuter le programme, de le copier, de le modifier, et d'en distribuer des versions modifiĂ©es - mais pas la permission d'ajouter des restrictions de son cru. C'est ainsi que les libertĂ©s cruciales qui dĂ©finissent le logiciel libre sont garanties pour quiconque en possède une copie ; elles deviennent des droits inaliĂ©nables[3]. Â»

— Richard Stallman

Le copyleft est un terme de Don Hopkins largement popularisĂ© Ă  partir de 1984 par Richard Stallman dans le cadre du projet GNU notamment par la crĂ©ation de la Free Software Foundation en 1985 et de la licence GPL publiĂ©e en 1989. TirĂ© de Le Projet GNU par Richard Stallman[4] :

« En 1984 ou 1985, Don Hopkins (dont l'imagination Ă©tait sans borne) m'a envoyĂ© une lettre. Il avait Ă©crit sur l'enveloppe plusieurs phrases amusantes, et notamment celle-ci : "Copyleft - all rights reversed" [« couvert par le gauche d'auteur, tous droits renversĂ©s »]. J'ai utilisĂ© le mot copyleft pour donner un nom au concept de distribution que je dĂ©veloppais alors. »

Le concept de copyleft symbolise en ce sens l'esprit créatif et moqueur de la culture hacker du MIT, à laquelle adhère Stallman[5].

Contexte d'émergence de la pensée du copyleft

Dans le dernier quart du XXe siècle, les idĂ©es relatives aux droits des biens immatĂ©riels sont remises en question et le terme de propriĂ©tĂ© intellectuelle apparaĂ®t. Ainsi, au dĂ©but des annĂ©es 1980, les premiers brevets concernant les logiciels sont acceptĂ©s aux États-Unis. Dans un phĂ©nomène de coĂ©volution, le mouvement du copyleft Ă©merge et crĂ©e la première licence gĂ©nĂ©raliste : GNU GPL[6], avec comme raisonnement « une forme de jujitsu intellectuelle, destinĂ©e Ă  retourner le système lĂ©gal mis en place par ceux-lĂ  mĂŞmes qui souhaitaient retenir pour eux seuls les biens logiciels » selon les dires de Richard Stallman[7].

Richard Stallman rejette le terme « propriété intellectuelle » comme inadéquat, et parle plutôt de « privilèges exclusifs » qui ne sont donc pas des droits et doivent être considérés en rapport à leur utilité sociale. Or, il dénonce l'appropriation privative du code comme diminuant grandement l'utilité sociale. En effet, il considère que le public cible des logiciels sont les programmeurs, qui vont eux-mêmes contribuer à la création en modifiant ce qui existe. De plus, les programmeurs travaillant en communauté, la privatisation nuit au partage et à la collaboration[8]. Ceci peut être apparenté aux cas concrets étudiés par Elinor Ostrom, où la propriété privée est un mode de gestion sous-optimal[7]. L'idée du copyleft, comme construction d'une solution alternative au copyright, a aidé James Boyle et Lawrence Lessig à la création des licences Creative Commons[7].

Cette solution alternative au copyright utilise elle-mĂŞme le copyright en l'amenant vers l'inclusion du public au droit « d’accĂ©der au bien, d’en user, d’en tirer parti et bĂ©nĂ©fice, voire de le modifier et de l’enrichir… Â», qui engendre avec lui un domaine public inviolable et crĂ©e un cercle vertueux de son contenu. Stallman explique : « Pour rendre un programme copyleft, nous le dĂ©clarons copyright, puis nous ajoutons une clause de distribution, ce qui est un outil lĂ©gal qui donne la possibilitĂ© Ă  tout le monde d'utiliser, modifier et redistribuer le code source du programme ou tout programme dĂ©rivĂ© de celui-ci, mais seulement si les termes de distributions restent inchangĂ©s. »[trad 1],[9].

La base juridique

En matière juridique, le fondement du copyleft est le droit des contrats : la licence est un contrat unilatĂ©ral qui respecte les exigences lĂ©gales de la propriĂ©tĂ© intellectuelle. Cette licence fait alors office de loi entre les parties.

La licence libre la plus connue utilisant le copyleft est la licence publique gĂ©nĂ©rale GNU mais il existe aussi d'autres licences, spĂ©cifiquement créées pour certains domaines très divers (art, jeu de rĂ´le, revue scientifique, etc.), qui peuvent ĂŞtre considĂ©rĂ©es comme des « licences copyleft ».

Toutes les licences de logiciel libre ne sont pas basées sur le principe du copyleft. Certaines permettent d'employer la création de base en appliquant d'autres conditions sur les modifications (qui peuvent être propriétaires). Ces licences sont dites permissives car elles permettent d'éditer le logiciel dérivé sous une autre licence, voire une licence propriétaire. À l'inverse, les critiques des licences libres non-copyleft considèrent que ces licences sont un risque pour la liberté logicielle, dans la mesure où elles permettent à un développeur de ne pas partager le code modifiant le code libre initial. La licence libre non-copyleft la plus connue est la licence BSD et ses dérivées.

Régime juridique

Logo du projet GNU.

En droit du copyright, un auteur peut renoncer à l'ensemble de ses droits et faire entrer ses œuvres dans le domaine public où elles pourront être utilisées librement par tous[10]. En droit d'auteur, l'auteur peut renoncer à ses droits patrimoniaux, mais pas à son droit moral[11]. Il lui est possible d'accepter par avance que son œuvre soit modifiée pour les besoins du libre usage. Il ne peut toutefois renoncer de manière préalable et générale à son droit au respect, et pourra ainsi interdire toute utilisation qui lui causerait un dommage. Juridiquement, cette renonciation s'analyse en un don à public indéterminé[12].

L'auteur peut également permettre à tous de reproduire, modifier et diffuser librement sa création, sous réserve de conditions stipulées dans un contrat de licence[13]. Dans la mesure où l'auteur n'a pas renoncé à ses droits, les modifications de sa création, qui constituent une œuvre dérivée, nécessitent son autorisation. L’auteur détermine ainsi les utilisations permises ou interdites, comme la possibilité d'utiliser l'œuvre à des fins commerciales. Si les termes de la licence ne sont pas respectés, celle-ci est résolue et l'usage de l'œuvre peut être qualifié de contrefaçon. Certaines licences libres, comme la licence BSD, permettent une appropriation privative des œuvres issues des modifications de l'utilisateur. D'autres licences, comme la licence publique générale GNU ou certaines licences Creative Commons exigent que les œuvres dérivées héritent des conditions d'utilisation de l'œuvre originaire[2]. Alors que la mise en œuvre classique du droit d’auteur garantit un monopole d'exploitation au titulaire et à ses ayants droit, les licences de type GPL visent à empêcher toute appropriation individuelle de l’œuvre. Chaque personne qui fait des modifications ne peut rediffuser l'œuvre dérivée que si elle est soumise aux mêmes conditions. Dans le cas contraire, la personne commet un acte de contrefaçon en rediffusant l'œuvre sans autorisation. Si elle le fait, l'œuvre dérivée ne se retrouve cependant pas automatiquement sous licence libre. Son auteur conserve tous ses droits[Note 1] et l’auteur de l’œuvre originale ne peut que demander à la justice de faire cesser la diffusion ou tenter d'obtenir des dommages-intérêts. En droit copyleft, un auteur renonce définitivement à l’ensemble de ses droits patrimoniaux exclusifs en tant qu’auteur (à l’exception des droits de paternité de l’œuvre originale et des œuvres dérivées, ainsi que de ses obligations et droits moraux personnels, inappropriables et incessibles en droit français) ; l’hérédité de la licence copyleft empêche théoriquement toute réappropriation privée, y compris pour une œuvre dérivée, contrairement par exemple aux marques commerciales qui tombent dans le domaine public ou aux œuvres sous licences Creative Commons CC0 ou CC-BY.

Copyleft fort / Copyleft standard

On parle de copyleft fort lorsque les redistributions du logiciel ou de l'œuvre en question, modifiés ou non, ainsi que de tous les composants ajoutés, ne peuvent se faire que sous la licence initiale.

On parle de copyleft faible/standard lorsque les redistributions du logiciel ou de l'œuvre en question, modifiés ou non, se font sous la licence initiale mais que de nouveaux composants peuvent être ajoutés sous d'autres licences voire sous des licences propriétaires.

Critique

Licence virale

La licence virale est un terme péjoratif utilisé pour décrire par analogie avec un virus qui se propage en contaminant d'autre cellules pour se reproduire, une licence de logiciel qui autorise des travaux dérivés uniquement lorsque ces derniers sont sous la même licence que l'original, autrement dit une licence copyleft.

Née dans le monde des logiciels libres et opensource, cette expression a d'abord été utilisée dans des discussions en anglais sous la forme viral licence pour qualifier la licence de logiciel libre GNU GPL[14],[15],[16],[17],[18],[19].

Par la suite l'expression a notamment été reprise par Microsoft, par l'intermédiaire de son vice-président de l’époque Craig Mundie qui l’a employée dans des formules comme « This viral aspect of the GPL poses a threat to the intellectual property of any organization making use of it. », en français « l'aspect viral de cette licence est une menace pour la propriété intellectuelle d'une organisation qui l’utiliserait »[20], en particulier pour qualifier le copyleft qui avait pour but que du code d'un logiciel libre soit utilisable dans un autre logiciel à condition qu'il soit lui aussi diffusé avec la licence GPL ou une licence compatible, pour préserver le caractère libre du logiciel. Dans le monde du logiciel libre, les licences dites libres se divisent entre licences qui ont une clause copyleft et celles qui n'en ont pas, et qui sont parfois qualifiées de permissives[21] Dans un autre contexte mais avec une idée similaire, Steve Ballmer, qui deviendra PDG de Microsoft, a comparé de manière virulente la licence GPL à un cancer qui s'étend à tous les logiciels qui utilisent du code sous cette licence, en voulant établir que cette licence était incompatible avec le commerce du logiciel, littéralement « a cancer that attaches itself in an intellectual property sense to everything it touches »[22].

Les licences Copyleft

IcĂ´ne de la licence Creative Commons Partage dans les MĂŞmes Conditions.
  • la Licence CeCILL, pour CEA CNRS INRIA Logiciel Libre, une licence libre française ;
  • la DSL, pour Design Science License ;
  • la GFDL, pour GNU Free Documentation License, en français Licence de documentation libre GNU ;
  • la GNU GPL, pour GNU General Public License, en français Licence publique gĂ©nĂ©rale GNU ;
  • la Licence CC-BY-SA, pour Licence Attribution (by) + Share-alike (sa), en français PaternitĂ© (by) + Partage des conditions initiales Ă  l'identique (sa) de Creative Commons, les 5 autres combinaisons Creative Commons ne sont pas copyleft ;
  • la Licence Art Libre ;
  • la MPL, pour Mozilla Public License, en français Licence publique Mozilla ;
  • l'ODbL, pour Open Database License, en français Licence Open Database ;
  • l'OSL pour Open Software License ;
  • Davantage de licences libres sur commons.
  • La SIL Open Font License pour les polices de caractères copyleft

Le symbole copyleft et Unicode

Le caractère copyleft (🄯) a été ajouté au standard Unicode le au titre de la version 11.0[23]. Il a pour code U+1F12F.

Notes et références

Note

  1. Articles L 113-2 alinĂ©a 2 et L 113-4 du code de la propriĂ©tĂ© intellectuelle. Jurisprudence cour de cassation, 1re chambre civile du 22 juin 1959 « L'auteur de l'Ĺ“uvre première et l'auteur de l'Ĺ“uvre composite ont des droits concurrents ».

Traduction

  1. (en) « To copyleft a program we first state that it is copyrighted; then we add distribution terms which are a legal instrument that gives every one the rights to use, modify, and redistribute the programs code or any program delivered from it, but only if the distribution terms are unchanged »

Références

  1. (en) John D. H. Downing et John Derek Hall Downing, Encyclopedia of Social Movement Media, SAGE, (ISBN 978-0-7619-2688-7, lire en ligne)
  2. Qu'est-ce que le copyleft ?, site GNU (lien).
  3. Richard Stallman dans Le Projet GNU.
  4. Le Projet GNU.
  5. SĂ©bastien Broca, Utopie du logiciel libre : du bricolage informatique Ă  la rĂ©invention sociale, Neuvy-en-Champagne, Éd. le Passager clandestin, , 282 p. (ISBN 978-2-916952-95-6 et 2916952950, OCLC 867598251, lire en ligne)
  6. François Pellegrini ; SĂ©bastien Canevet, Droit des logiciels : logiciels privatifs et logiciels libres, Paris, PUF, , 612 p. (ISBN 978-2-13-062615-2), p. 39-41
  7. Broca Sebastien, Coriat Benjamin, « Le logiciel libre et les communs deux formes de rĂ©sistance et d’alternative Ă  l’exclusivisme propriĂ©taire. », Revue internationale de droit Ă©conomique,‎ , p. 265 - 284
  8. Mikhail Xifaras, « Le copyleft et la thĂ©orie de la propriĂ©tĂ©, Abstract », Multitudes, no 41,‎ , p. 50–64 (ISSN 0292-0107, lire en ligne, consultĂ© le 1er mai 2017)
  9. Benjamin Coriat, « Qu’est ce qu’un commun ? Quelles perspectives le mouvement des communs ouvre-t-il Ă  l’alternative sociale ? », Les Possibles,‎ , p. 19 - 26 (lire en ligne)
  10. (en) § 106A e) de la loi des États-Unis d'Amérique sur le copyright(texte).
  11. article L 121-1 (texte).
  12. Pierre-Yves Gautier, PropriĂ©tĂ© littĂ©raire et artistique, PUF, 2007, no 322 Don sur l'Internet.
  13. Valérie-Laure Benabou et Joëlle Farchy (Dir.) La mise à disposition ouverte des œuvres de l'esprit, CSPLA, 2007.(France)(texte).
  14. Paul Vixie, « Re: Section 5.2 (IPR encumberance) in TAK rollover requirement draft », IETF Namedroppers mailing list, (consulté le 29 avril 2007)
  15. « General Public Virus », Jargon File 2.2.1, (consulté le 29 avril 2007)
  16. Stig Hackvän, « Reverse-engineering the GNU Public Virus — Is copyleft too much of a good thing? », Linux Journal,‎ (lire en ligne, consulté le 29 avril 2007)
  17. Bill Stewart, « Re: propose: `cypherpunks license' (Re: Wanted: Twofish source code) », Cypherpunks mailing list, (consulté le 29 avril 2007)
  18. Joe Buck, « Re: Using of parse tree externally », GCC mailing list, (consulté le 29 avril 2007)
  19. L. Adrian Griffis, « The GNU Public Virus », (consulté le 29 avril 2007)
  20. Craig Mundie, « Speech Transcript - Craig Mundie », New York University Stern School of Business, (consulté le 23 août 2008)
  21. « liste des licences avec commentaires », sur http://www.gnu.org
    classification par la FSF (Fondation pour le Logiciel libre)
  22. (en) Dave Newbart, « Microsoft CEO takes launch break with the Sun-Times », Chicago Sun-Times, Chicago Sun-Times,‎ « Microsoft CEO takes launch break with the Sun-Times » (version du 15 juin 2001 sur l'Internet Archive)
  23. Unicode v11.0 http://blog.unicode.org/2018/06/announcing-unicode-standard-version-110.html

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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