Tourisme spatial

Le tourisme spatial (space tourism en anglais) est l'activité touristique qui regroupe l'ensemble des expériences, entraînements, vols à sensations, qui permettent à des personnes d'aller dans l'espace pour des motifs non professionnels.

Mark Shuttleworth, fondateur d'Ubuntu a volé vers l'ISS en 2002, devenant le deuxième touriste spatial.
La courbure de la terre vue de l'espace.

Concepts

Vol orbital et suborbital

Dennis Tito, premier touriste spatial en 2001.

De manière conventionnelle on considère qu'un séjour dans l'espace nécessite de dépasser l'altitude de 100 km (ligne de Kármán). À cette altitude, l'atmosphère, très ténue, n'oppose pratiquement plus de résistance. On peut parvenir à cette altitude dans le cadre d'un vol orbital ou suborbital. En vol orbital, la vitesse horizontale de l'engin spatial (tangente à la surface de la Terre) est de plus de 7,7 km par seconde et lui permet de se maintenir en orbite. Dans le cadre d'un vol suborbital qui nécessite beaucoup moins d'énergie, l'engin utilisé qui s'apparente plus à un avion ou à un planeur parvient à cette altitude avec une vitesse horizontale inférieure à la vitesse de satellisation minimale et retombe vers la Terre une fois que la gravité contrebalance la vitesse ascensionnelle acquise lors de la phase propulsée de son vol. Durant quelques minutes l'avion se trouve en chute libre et ses passagers font l'expérience de l'impesanteur. Au fur et à mesure que l'avion perd de l'altitude, l'atmosphère devient plus épaisse et la traînée s'accroît ; l'avion se met à décélérer et l'impesanteur disparaît.

Les défis techniques du vol suborbital

Guy Laliberté, dernier touriste (2009) spatial à ce jour.

Pour parvenir à une altitude supérieure à 100 km, l'avion spatial doit pouvoir se propulser à une altitude où il n'existe pas suffisamment d'oxygène pour alimenter un moteur à réaction. Il est nécessaire d'avoir recours à un moteur-fusée qui brûle des comburants et carburants embarqués. Ce type d'engin est toutefois à la fois complexe et dangereux à utiliser dans le cadre d'une activité commerciale qui se doit de réduire le risque couru par les passagers. Scaled Composites choisit une propulsion hybride à base de polybutadiène, dérivé du latex, et de peroxyde d'azote, ergol puissant utilisé par de nombreuses agences spatiales pour leur moteur-fusée. Autre défi important du vol suborbital, la rentrée dans l'atmosphère. Lorsque l'avion spatial retombe, il traverse d'abord des couches atmosphériques peu denses. Pour des raisons de masse à emporter, l'avion de Scaled Composites a une vitesse horizontale presque nulle lorsqu'il parvient à l'altitude la plus élevée. Les appuis aérodynamiques sont donc très faibles au début sa chute et il doit avoir recours à une configuration particulière de voilure pour gérer cette phase du vol.

Historique

Premiers vols de touristes spatiaux à bord de la Station spatiale internationale

Depuis les premiers vols habités dans l'espace, il existe une fascination répandue pour cette forme d'aventure extrême. À la suite des problèmes budgétaires rencontrés par l'agence spatiale russe, certains, à condition d'être particulièrement fortunés, peuvent, à compter de 2001, réaliser leur rêve. Il existe aujourd'hui deux formes de tourisme spatial : le séjour en orbite dans la Station spatiale internationale qui nécessite un très long entraînement et le vol suborbital qui consiste à passer quelques minutes à une altitude supérieure à 100 km mais qui est relativement moins coûteux et contraignant. En 2009, les opportunités du tourisme spatial orbital sont limitées et coûteuses, l'Agence spatiale russe Roscosmos étant la seule à fournir le transport. Le prix pour un vol organisé par Space Adventures à la Station spatiale internationale à bord du vaisseau spatial Soyouz est de 20 à 35 millions de dollars américains. Selon l'ancien directeur de l'Agence spatiale russe Anatoli Perminov, l'équipage des expéditions de l'ISS étant passé à 6 depuis 2009 il requiert, selon un accord international, un équipage au complet, sans place de prévue pour des touristes[1].

Virgin Galactic

L'expression « tourisme spatial » se popularise après la réussite du vol suborbital de SpaceShipOne en 2003. Ce vol effectué dans le cadre du concours Ansari X Prize est destiné à prouver que le grand public pouvait avoir accès à l'espace. Les concurrents doivent concevoir un engin capable de monter jusqu'à une altitude de 100 km (de manière conventionnelle limite inférieure de l'espace) à deux reprises dans un délai maximum de 15 jours. Paul Allen, le riche co-fondateur de Microsoft, sponsorise l'ingénieur Burt Rutan, patron de la société Scaled Composites. Le pilote d'essai Brian Binnie réussit les deux vols consécutifs et fait remporter à sa société les 10 millions de dollars américains du prix.

Ce succès amène Richard Branson, propriétaire de la marque Virgin, à créer avec Scaled Composite, d'une part la société The Spaceship Company (TSC) pour construire en série plusieurs engins reprenant la technologie de SpaceShipOne et d'autre part Virgin Galactic, qui propose dès 2005 au grand public d'effectuer des vols jusqu'à une altitude de 100 km. Dès les premières réservations, Virgin Galactic passe commande à TSC de 5 navettes spatiales SpaceShipTwo et de deux avions porteurs White Knight Two. Des projets ayant le même programme sont élaborés par d'autres sociétés mais sont abandonnés (Rocketplane, Lynx de Xcor, spaceplane d'Airbus Defense and Space) et pour d'autres moins avancés. La date du premier vol suborbital d'un tourisme est régulièrement repoussée car la mise au point de SpaceShipTwo se révèle difficile. Un aéroport destiné à cette activité et situé à Las Cruces dans le désert du Nouveau-Mexique aux États-Unis est construit pour un coût de 250 millions de dollars américains et est inauguré le 17 octobre 2011.

La durée de ce vol dure de 2 à 3 heures et permet aux passagers de passer cinq minutes en apesanteur, avec seulement trois jours d'entraînement, pour une somme de 250 000 dollars américains. L'existence d'hôtels dans l'espace relève aujourd'hui toujours du domaine de la science-fiction. Mais Richard Branson évoque toutefois qu'un tel projet peut finir par arriver avec le temps si les vols suborbitaux sont un succès. Jusqu'à présent (2019) seulement huit touristes spatiaux ont volé, mais la compagnie Virgin Galactic compte déjà plus de 700 réservations pour ses vols, issus de 48 nationalités, dont 87 % d'hommes et 13 % de femmes. En mai 2014, 18 Français sont inscrits, ne résidant pas forcément en France.

Le crash du vaisseau spatial SpaceShipTwo de Virgin Galactic dans le désert des Mojaves le 31 octobre 2014, faisant un mort et un blessé grave, inflige un sérieux revers au rêve du tourisme dans l'espace[2]. Virgin Galactic continue cependant à travailler, inauguré en 2016 un nouveau SpaceShipTwo, le VSS Unity[3]. Les premiers vols peuvent intervenir vers 2020.

Blue Origin

La société Blue Origin fondée par Jeff Bezos développe depuis les années 2000 des technologies spatiales, dont le New Shepard, un lanceur suborbital monoétage capable d'emmener 5 passagers à plus de 100 km d'altitude, la ligne de Kármán. Le premier tir a lieu le 29 avril 2015, 7 autres suivent avec aucun échec. Le 22 janvier 2016, Blue Origin parvient à faire voler son lanceur New Shepard après qu'il atterrit sur ses trains d'atterrissage lors du vol précédent, devenant ainsi le premier lanceur, bien que suborbital, à pouvoir être réutilisé. La société enchaîne depuis les vols automatiques de son lanceur réutilisable suborbital et peut effectuer les premiers vols habités en 2019. Par ailleurs, il est déjà possible d'embarquer des expériences scientifiques dans la capsule grâce aux 4 minutes d’apesanteur qu'offre la configuration du vol.

Autres sociétés

La société SpaceX a vendu deux places pour un survol de la lune à Yusaku Maezawa, qui souhaite offrir 6 à 8 places à d'autres artistes autour du monde. Ils peut décoller vers 2020-2023 à bord du véhicule spatial Crew Dragon propulsé par le lanceur Falcon Heavy[4].

Sociétés ayant eu des projets de tourisme spatial

Depuis le vol de SpaceShipOne en 2003, plusieurs entreprises ont le projet d'envoyer des touristes dans l'espace[5] : Armadillo Aerospace, Bigelow Aerospace, Blue Origin, da Vinci Project, Excalibur Almaz, Galactic Suite, PlanetSpace, Reaction Engines Limited, Rocketplane Kistler, Rotary Rocket, XCOR Aerospace.

La société EADS Astrium dévoile le son projet de tourisme spatial. Le premier vol peut pu avoir lieu en 2012, mais il est aujourd'hui abandonné.

De même, les membres industriels de l'association Astronaute Club Européen envisagent aussi ce type de vol et organisent chaque année un concours pour étudiants. Depuis novembre 2014, l'association IETS pour Institut Européen du Tourisme Spatial s'active pour promouvoir le tourisme spatial en Europe ; présidée par le général Marc Alban, elle propose d'ouvrir le marché au monde du tourisme en développant un ou plusieurs astroports, réunissant toutes les animations et expériences de vols à sensations orientées vers le vol spatial et suborbital. C'est la première association qui réunit à la fois le secteur du tourisme, les industriels, les astronautes, et les médias.

Hôtels spatiaux

Bigelow Aerospace

À la fin des années 1990, plusieurs entreprises envisagent de créer des hôtels placés en orbite terrestre utilisant le réservoir principal de la navette spatiale américaine, ou des structures gonflables. Mais aucune de ces idées ne dépasse le stade de l'étude de faisabilité. Plus récemment, l'homme d'affaires Robert Bigelow, magnat des hôtels Budget Inn, a acquis les plans d'un habitat spatial gonflable issus d'un programme abandonné de la NASA, le Transhab. Son entreprise, Bigelow Aerospace, lance un premier prototype à échelle réduite d'hôtel orbital, Genesis I, en juillet 2006.

D'autres entreprises sont également intéressées par la construction d'hôtels spatiaux. Le président-directeur général de Virgin Group, Richard Branson, espère voir la construction d'un tel hôtel durant sa vie[6].

Les touristes spatiaux

Huit touristes de l'espace effectuent des vols orbitaux entre 2001 et 2019 :

  • Dennis Tito : du 28 avril au . Il débourse 20 millions de dollars américains.
  • Mark Shuttleworth : du 25 avril au . Il débourse 21 millions de dollars de dollars américains.
  • Gregory Olsen : du 1er octobre au . Il débourse 20 millions de dollars américains, mais ce chiffre n'a pas été confirmé officiellement.
  • / Anousheh Ansari : du 18 septembre au . Une américano-iranienne, qui est la première femme touriste de l'espace, et première iranienne. Elle décolle le à bord de la mission Soyouz TMA-9, pour une durée de 10 jours à bord de la Station spatiale internationale. Sous la pression des autorités russes et américaines, elle ne peut pas garder le drapeau iranien sur sa combinaison, ni diffuser de message politique[7],[8]. Elle débourse 20 millions de dollars américains.
  • / Charles Simonyi participant au vol Soyouz TMA-10 du en direction l'ISS, pour un retour prévu le 20 avril. Selon Eric Anderson, PDG de Space Adventures, ce cinquième voyageur de l'espace a déboursé 25 millions de dollars américains. Charles Simonyi est un ancien employé de Microsoft qui est pendant un temps responsable de la division applications de la société américaine et plus particulièrement de la suite bureautique Microsoft Office. Il crée sa propre entreprise, Intentional Software[9]. Il retourne dans l'espace le , devenant le premier touriste spatial à être allé dans l'espace à deux reprises. Il débourse 25 millions de dollars américains pour son premier vol et 22 millions de dollars américains pour son deuxième.
  • Richard Garriott, fils de l'ancien astronaute Owen Garriott, participant au vol Soyouz TMA-13 le . Il débourse 30 millions de dollars américains.
  • Guy Laliberté, décolle avec la mission Soyouz TMA-16 le . Il débourse 35 millions de dollars américains.

Le 10 octobre 2005, Alexeï Krasnov, directeur des vols habités au sein de l'Agence spatiale fédérale russe FKA[10], déclare que Daisuke Enomoto, un entrepreneur japonais âgé à l'époque de 34 ans est pressenti pour être le quatrième touriste de l'espace, son départ est prévu pour le . Mais à la suite d'examens médicaux non concluants, il est écarté du programme le 21 août 2006 et remplacé par Anousheh Ansari.

La chanteuse d'opéra britannique Sarah Brightman doit décoller avec la mission Soyouz TMA-18M en et ainsi devenir la 8e touriste de l'espace. Mais quatre mois avant le départ, alors qu'elle s'entraîne à la cité des étoiles depuis 2012, elle annule son voyage « pour raisons familiales »[11].

Le 18 septembre 2018, la compagnie SpaceX d'Elon Musk annonce le nom du premier touriste spatial qui partira en voyage autour de la Lune dès 2023, il s'agit du milliardaire japonais Yusaku Maezawa[12].

Critiques

Le tourisme spatial est critiqué en raison du risque que son développement pourrait faire peser sur notre écosystème, et pour l'indécence que constitue le fait que seuls quelques ultrariches puissent bénéficier de tels voyages.

Notes et références

  1. (en) Staff Writers, « Russia sees end of road for space tourism », Agence France-Presse, (consulté le 22 janvier 2009)
  2. SpaceShipTwo s'est écrasé, coup dur pour Virgin Galactic et Richard Branson, Les Échos, 31 octobre 2014.
  3. « Virgin Galactic : SpaceShipTwo fait un pas de plus vers le tourisme de l'espace », leparisien.fr, 2017-05-03cest15:44:55+02:00 (lire en ligne, consulté le 12 juin 2018)
  4. , SpaceX will fly Japanese billionaire Yusaku Maezawa as the first ever private tourist to the moon
  5. (en) 6 Private Companies That Could Launch Humans Into Space
  6. (en) Branson plans to build Space Hotel
  7. (fr) Le vaisseau spatial Soyouz réaménagé pour la première femme touriste, dépêche de l'AFP du 24 aout 2006
  8. (fr) Une fusée Soyouz s'envole avec une touriste à bord, dépêche de Reuters du 18 septembre 2006
  9. (fr) Le 5e touriste spatial emportera ses souvenirs d'informaticien sur l'ISS, dépêche de l'AFP du 22 mars 2007
  10. http://spacenews.com/profile-alexey-b-krasnov-director-human-spaceflight-roscosmos/
  11. http://www.lepoint.fr/people/apres-le-forfait-de-sarah-brightman-la-quete-d-un-nouveau-touriste-de-l-espace-14-05-2015-1928486_2116.php
  12. Yann Contegat, « C’est officiel : nous connaissons enfin le nom du tout premier touriste spatial de l’Histoire », Daily Geek Show, (lire en ligne, consulté le 19 septembre 2018)

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Conseil national du tourisme, Le tourisme spatial, Paris, La Documentation française, 2009.
  • Embarquer dès demain pour l'Espace, le vol suborbital touristique, Frank Lehot & autres auteurs, Vuibert, 2010.
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