Paysan

Le paysan est une personne vivant à la campagne d'une activité agricole lui permettant l'autoconsommation. Il peut adopter ou subir une économie de subsistance. Il peut être amené à se déplacer d'une manière saisonnière dans d'autres « pays » par exemple vers des pâturages qui font défaut à ses bêtes. Il façonne son environnement et le paysage par ses différents prélèvements, apports, aménagements, plantations, etc. Ses activités sont souvent multiples : élevage, cultures, maçonnerie, artisanat et, éventuellement, commercialisation de ses excédents de production.

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Depuis la préhistoire le paysan sédentaire a cependant souvent été opposé au chasseur-cueilleur nomade ou à l'éleveur nomade[1]. Depuis le début des grandes civilisations, il faut aussi distinguer les paysans sans terres et sans droits de leurs propriétaires ou patrons dont certains sont aussi de petits paysans mais d'autres de grands seigneurs latifundiaires avec tous les intermédiaires possibles. Depuis l'ère industrielle, on oppose l'agriculteur ou l'exploitant agricole moderne au paysan supposé traditionnel.

On ne peut pas parler aujourd'hui de « métier de paysan » au sens administratif du terme, le terme ne figurant jamais dans les listes des métiers de la terre. Toutefois, de nombreux paysans à travers le monde revendiquent d'être des paysans dans un sens positif souvent lié à un souci environnemental et le rôle de ces paysans est remis en valeur[2].

Depuis Virgile, lui-même fils de petit paysan, les paysans et leurs modes de vie sont l'objet d'un nombre incalculable d'œuvres de littérature ou d'art, d'études économiques ou sociologiques.

La condition paysanne a donc énormément varié selon les pays et l'époque.

Pour des articles plus généraux, voir Agriculteur et Histoire de l'agriculture.

Avant l'Empire romain

Au Moyen Âge

Paysan au Moyen Âge

L'accroissement de la population des campagnes se traduit par une diminution de la taille des parcelles et une paupérisation persistante.

Au Moyen Âge, il y avait deux catégories de paysans : les serfs, qui sont au service du seigneur de génération en génération et qui peuvent difficilement devenir libres, et les vilains, qui sont libres.

La première catégorie de paysans était l'alleutier. Il possédait entièrement sa terre, il lui avait donné son nom de famille, cet alleu était une terre libre. La proportion d'alleutiers, au haut Moyen Âge, variait de 10 % à 50 %, selon les provinces[réf. souhaitée]. En Europe, la Suisse, l'Allemagne, les Flandres et le Massif Central étaient des régions fortement allodiales. Allodial est un mot commun à la plupart des langues européennes.

Entre 1050 et 1150 les seigneurs poussent les paysans à défricher pour créer de nouvelles terres cultivables, et ainsi augmenter la production agricole. Cette période s'achève au XIIIe siècle. Les villages qui naissent ont des noms qui rappellent ces défrichements : Les Essarts (du verbe essarter, c'est-à-dire « défricher »), noms en -sart (Robersart), ou encore les noms de village en « Saint- » qui rappellent le rôle joué par les monastères dans cette conquête de nouvelles terres à labourer.

L'augmentation de la population engendre le développement de nouveaux villages qualifiés de « Neufs Bourgs » (le Neubourg), de « Bourgs Neufs » (Le Bourgneuf), de « Neuves Villes » (Neuville) ou encore de « Neufs Vics » (sur vicus ; Neuvy). Dans le sud de la France, on appelle « bastides » les nouveaux villages créés au XIIIe siècle ou après la Guerre de Cent Ans.

Les paysans, qu'ils soient serfs ou tenanciers, paient un loyer en argent ou en nature et ils doivent travailler dans la réserve du seigneur plusieurs jours par semaine. En outre, ils accomplissent des corvées : entretien des chemins et des canaux, charrois, etc. Ils doivent aussi toutes sortes de redevances comme les banalités. Ils doivent payer la dîme à l'église et le tonlieu.

De nouveaux instruments font leur apparition tels que la charrue, le collier d'épaule.

Sous l'Ancien Régime

Avant la Révolution française

Dans l’Ancien Régime et évolution au XVIIIe siècle

La société rurale est divisée de façon hiérarchique : au plus haut, les laboureurs, ceux qui possèdent des terres et emploient des personnes, vivent bien plus aisément que les serfs, qui occupent le plus bas des échelons. Ces derniers tendent à disparaître, plus qu’un million de serfs au milieu du siècle, et cela va être déterminant : les paysans ne dépendent plus, ou en tout cas beaucoup moins, d’une puissance supérieure. Avec le servage, c’est l’un des derniers vestiges de la féodalité qui disparaît. Ceux qui sont encore liés à un homme peuvent racheter leur liberté avec des charges, qui, dépréciation de la monnaie aidant, ne vont cesser de se dévaloriser. Un processus est donc en marche visant l’indépendance des paysans, et va aboutir la nuit du , lors de l’abolition des privilèges.

Mais pourtant, malgré cet apparent gain de liberté, d’autres règles asservissent les paysans, cette fois plus horizontalement, mais verticalement : les liens communautaires qui sont une sorte de servitude collective. Les paysans ayant généralement des petites parcelles, ils doivent s’assembler pour être plus productifs, organiser des pâturages, sous peine de sanctions juridiques. Le petit paysan n’a donc aucun pouvoir de décision : il ne peut planter autre chose que ce qui l’est dans le reste de la collectivité, ne peut enclore sa parcelle… paradoxalement, cela nuit à la productivité, et favorise les crispations entre les membres de ces communautés. Ce modèle est appliqué dans toute l’Europe, exception faite de l’Angleterre, qui entreprit des réformes, et l’on peut le considérer comme l’inspirateur des kolkhozes en Russie.

L’agriculture au XVIIIe siècle en France est encore une agriculture de subsistance : on ne produit pas pour exporter. Cela est dû à plusieurs facteurs : tout d’abord, les douanes trans-régionales. Ces taxes, contestées par les économistes, qu’ils soient physiocrates ou libéraux, défavorisent les échanges, car ajoutées à la fixation nationale des prix, elles retirent toute compétitivité aux produits venant d’autres régions. Les infrastructures sont dans un état catastrophique : les routes sont jonchées de trous et sont un véritable repaire à brigands, ce qui rend difficile la circulation des biens. Malgré les innovations, les techniques de mise en culture sont encore très rudimentaires, et la jachère est encore utilisée. Les nouvelles plantes, le maïs et la pomme de terre, augmentent la production agricole, mais ne suffisent pas à éviter disettes et famines, les cultures dépendant des caprices de la météorologie.

L’organisation de la société rurale en France au XVIIIe siècle est donc comparable à la situation que traverse la majeure partie de l’Afrique en ce moment : agriculture dépendante des aléas naturels et techniques simplistes, exportations très limitées, liens très forts entre les paysans ; d’une façon générale, on peut dire que l’agriculture n’avait que peu évolué depuis la fin de l’Antiquité, mais qu’elle va connaître très rapidement de nombreuses améliorations, notamment à partir de la Révolution française. Le statut des paysans quant à lui a évolué lentement au fil du siècle, avec la disparition progressive du servage et une indépendance croissante.

Sous la Monarchie absolue

Famille de paysans (Antoine Le Nain ou Louis Le Nain, vers 1645)

D'après l'historien Gérard Noiriel, sous le règne de Louis XIV (1643-1715), la moitié des paysans sont des journaliers (ouvriers agricoles). Ils disposent d’un lopin de quelques ares, sur lequel ils ont construit une maison d’une seule pièce. Ils cultivent aussi un potager, avec quelques poules et quelques brebis pour la laine. La fraction la plus pauvre de la paysannerie est composée de manœuvriers qui ne possédaient que quelques outils manuels (faucille, fourche, etc.). Du printemps jusqu’au début de l’automne, ils travaillent sur les terres du seigneur, d’un membre du clergé ou d’un riche laboureur. Ils participent aux moissons, aux foins et aux vendanges. En hiver, ils cherchent à se faire embaucher comme hommes de peine[3].

Tout d’abord, les paysans sont défavorisés vis-à-vis de l’impôt. Alors que le clergé ne paye qu’une somme qu’il choisit, et qui est appelée le don gratuit, et que les Nobles sont exempts d’impôts en argent, ils « payent l’impôt du sang », le tiers état doit payer des impôts aux deux ordres précédemment cités. En effet, en plus des impôts royaux, comme la gabelle, ou impôt sur le sel, le tiers état doit payer la dîme au clergé, puis tous les impôts nobiliaires, ou droits seigneuriaux. Les paysans doivent en outre donner une partie de leur récolte aux rentiers du sol, qui sont des nobles, des cléricaux ou des bourgeois : c’est le fermage. Les paysans sont donc défavorisés à cause des impositions, non seulement par rapport aux nobles et aux cléricaux, mais aussi aux bourgeois, pourtant membres du dernier ordre aussi. Sous le règne de Louis XIV, plus de moitié des revenus des paysans sont ainsi ponctionnées par les classes dirigeantes[3].

Ensuite, les paysans n’ont pas de représentation politique. Les États généraux, lorsqu’ils sont réunis, c'est-à-dire pratiquement jamais, ne font pas cas des demandes des membres du troisième ordre et encore moins des paysans : ils sont méprisés par les autres députés qui considèrent qu’ils ne font rien d’honorifique ni de méritoire, contrairement à eux et jugent l’inégalité comme normale et nécessaire au bon fonctionnement de la société. Ils sont exclus de tous postes administratifs, judiciaires ou autres travaux lucratifs exigeant des responsabilités, n’ont pour la plupart pas accès à l’instruction. Les paysans représentent une masse influençable ne disposant ni de représentation politique, ni de pouvoirs et dont va savoir se servir la bourgeoisie lors de sa révolte anti-nobiliaire, et plus tard à la Révolution française.

Les revendications des paysans à la veille de la Révolution sont diverses et sont difficilement différenciables de celles des bourgeois, ces derniers ayant une influence certaine sur eux : ils luttent pour un impôt et une justice égalitaires, et donc pour la suppression des justices seigneuriales, ils veulent que les enrôlements forcés dans les milices et l’armée n’aient plus lieu et que les capitaineries et domaines de chasses exclusifs n’existent plus. D’une manière générale, ils veulent donc la suppression des privilèges, qui d’après eux n’ont plus lieu d’être pour les nobles, puisqu’ils ne payent pas plus l’impôt du sang qu'eux-mêmes, ni pour l’Église.

Les paysans sont défavorisés économiquement et politiquement par la monarchie absolue, et semblent être inactifs sur ce dernier plan. Pourtant, grâce à l’influence des nobles d’abord, puis des bourgeois, ils seront le moteur de la Révolution française, malgré un attachement au roi et à l’Église très importants.

Les paysans, malgré leur importance, ont donc été méprisés et ignorés par les deux autres ordres, et même par la bourgeoisie avant la révolte anti-nobiliaire, et défavorisés économiquement, ce qui a provoqué leur mécontentement grandissant et a été l’une des causes de la Révolution française. Leur rôle a donc été capital dans les années précédant la chute de la monarchie, puis lors des États généraux et la nuit du . Ce sont en effet les soulèvements paysans de l'été 1789, la Grande Peur, qui contribuent en grande partie à convaincre l'aristocratie d'abandonner certains de ses privilèges la nuit du . Leur mobilisation compte aussi parmi es facteurs qui poussent le pouvoir révolutionnaire à transformer les biens de l’Église en biens nationaux et à en vendre aux enchère une partie. Pourtant, si dans les régions éloignées des centre urbains les paysans parviennent à acheter quelques terres en se regroupant, la plupart sont acquises par la bourgeoisie et la noblesse[3].

Propriété des terres

À la veille de la Révolution française, 80 % de la population française est rurale, dont 60 % sont paysans et 40 % vivent de l'artisanat et de l'industrie.

Concernant la propriété, 50 % des terres cultivées appartiennent aux nobles et au clergé, et 50 % aux paysans. Cependant, ces chiffres varient d'une région à l'autre et ne représentent qu'une moyenne sur l'ensemble du territoire. D'une manière générale, les paysans possèdent des terres moins bonnes que les classes privilégiées.

À l'époque moderne, peu de paysans ne possèdent aucune terre. En revanche, beaucoup possèdent très peu : les trois-quarts possèdent moins de 2 hectares. Les très grandes propriétés sont également rares.

Modes de faire-valoir

L'exploitation des terres se fait de trois façons :

  • le faire-valoir direct : le paysan, propriétaire de sa terre la cultive lui-même avec sa famille. L'auto-suffisance pour une famille est assurée à partir de l'exploitation d'une terre de 5 hectares environ.
  • le faire-valoir indirect : le propriétaire (bourgeois, noble, communauté ecclésiastique généralement) loue les terres à un paysan selon deux modes :
    • en fermage, c'est-à-dire contre un loyer fixe dénommé le plus souvent cens, et parfois de services comme la corvée ;
    • en métayage, qui correspondait la plupart du temps à un partage à moitié-fruit de la récolte (ou environ), ce partage pouvant s’accompagner de corvées et de redevances fixes.

Au XIXe siècle

Au début du XIXe siècle, le monde paysan, marqué par une permanence des structures sociales et des techniques agraires, occupe une grande place dans la société française. Même si son importance est minimisée par sa place politique et sociale, la grande majorité des Français est alors composée de paysans. Le système agricole est encore très fragile et soumis à de nombreux aléas (notamment météorologiques), l'économie agricole est encore une juxtaposition de systèmes régionaux.

En 1827, la réforme du code forestier, qui voulait priver les paysans du droit de ramasser le bois mort, est à l'origine d'une révolte massive en Ariège, la guerre des Demoiselles[3].

À la fin du XIXe siècle, le monde paysan a effectué une première révolution et a connu son apogée, l'agriculture s'est modernisée et le marché agricole s'est unifié ; la paysannerie a un poids important dans la vie politique du pays. Au début du XXe siècle, la paysannerie semble entrer dans une phase de déclin, une vaste redistribution des hommes est en cours sur l'ensemble du territoire, l'agriculture n'est plus la seule source de production, le secteur industriel est en plein essor et la civilisation urbaine pénètre les campagnes. L'exode rural est cependant plus tardif en France qu'ailleurs, et ce n'est que lors des Trente Glorieuses que la modernisation réelle de l'agriculture et du statut du paysan, qui périclite, remplacé par le statut d'exploitant agricole, est effective.

Situation actuelle

Comme bien des agriculteurs de l'Afrique subsaharienne, ce paysan camerounais cultive la terre à des fins uniques de subsistance, pour nourrir sa famille.

En France, aux yeux de l'administration (notamment de l'Insee), le paysan est forcément un agriculteur quand il est professionnel. Une tranche importante de paysans français revendique farouchement cette appellation souvent pour se démarquer de l'agriculture productiviste et/ou par souci de ne pas rompre avec leurs racines, leur appartenance à la terre. Certaines fédérations d'associations comme la FADEAR (Fédération Associative pour le Développement de l’Emploi Agricole et Rural) parlent alors d'agriculture paysanne[4].

« Ce sont essentiellement des petits producteurs marchands qui vivent et produisent pour dégager un revenu de leur activité, et aspirent à conserver leur indépendance au sein de structures sociales précapitalistes. »

 Pierre Bitoun , Le Sacrifice des paysans (p. 260).

Notes et références

  1. Mette Bovin, « Nomades « sauvages » et paysans « civilisés» : WoDaaBe et Kanuri au Borno », Journal des Africanistes, , p. 53-74 (lire en ligne)
  2. « La FAO collaborera avec La Vía Campesina, le plus grand mouvement mondial de petits producteurs vivriers », sur FAO, (consulté le 24 mars 2020)
  3. Gérard Noiriel, « Ni intemporelle ni passive, la France paysanne », sur Le Monde diplomatique, (consulté le 12 septembre 2019)
  4. « http://www.arehn.asso.fr/colloque2007/actes/expressions_agriculture_durable_en_france.pdf »(ArchiveWikiwixArchive.isGoogle • Que faire ?)

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Gérard Walter, Histoire des paysans de France, coll. L'Histoire, Flammarion, 1963
  • Georges Duby et Armand Wallon (dir.), Histoire de la France rurale, tome 3, apogée et crise de la civilisation paysanne (1789-1914), Éditions du Seuil, 1975
  • Annie Moulin, Les Paysans dans la société française de la Révolution à nos jours, Éditions du Seuil, 1988
  • Guy Fourquin, Le paysan d'Occident au Moyen Âge, Nathan, 1989
  • Claude Michelet, Histoire des paysans de France, Robert Laffont, 1996
  • Marc Dufumier, Agricultures et paysanneries des Tiers-Mondes, Paris, Karthala, 2004
  • Philippe Madeline et Jean-Marc Moriceau, Les Paysans. Récits, témoignages et archives de la France agricole (1870-1970), Les Arènes, 2012, ISBN 978-2-35204-205-1
  • Mergnac Marie-Odile, Ancêtres paysans : mieux les découvrir à travers les archives, Paris, Archives & Culture, 2014, 80 p,
  • Jan Douwe Van der Ploeg, Les paysans du XXIe siècle, mouvements de repaysannisation dans l'Europe d'aujourd'hui, Ed. Charles Léopold Mayer, 2014 (livre disponible en libre téléchargement : http://www.eclm.fr/ouvrage-369.html)
  • Christian Fougerouse, Le renouveau paysan : solitude ou association, éditions Manoirante, 2015, 213 p.
  • Eric Alary, L'Histoire des paysans français, Perrin, 2016
  • Pierre Bitoun et Yves Dupont, Le Sacrifice des paysans : une catastrophe sociale et anthropologique, L'échappée, 2016 (ISBN 978-2-3730901-3-0)
  • Malassis, Louis, L'épopée inachevée des paysans du monde , Fayard, 2004 (ISBN 2-213-61943-3 )

Liens externes

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