Diapason
En musique, le diapason est un outil produisant un son dont la hauteur est fixe dans le but d'obtenir une note de référence, typiquement un la. Cette référence permet aux musiciens d'accorder leurs instruments de musique. Par extension, le diapason désigne la note de référence elle même. La note de référence standard est le la 440 fixant la3 à 440 Hertz.
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Il existe également des diapasons soufflés à plusieurs tubes, pour les instruments à cordes. À 4 tubes pour les violons et 6 pour les guitares.
Étymologie
Le terme diapason (diapasôn) désigne originellement l'intervalle d'octave en grec et en latin[1]. Le mot est tiré de l'expression grecque διά πασω̃ν χορδω̃ν συμφωνία, diá pasōn khordōn symphōnía, « toutes les cordes, toutes les notes (de l'octave) ».
Instrument
Le diapason est constitué de deux lames (branches) épaisses parallèles, soudées en forme de U et prolongées par une tige. Les branches en métal élastique (usuellement l'acier) en vibrant émettent un son à la fréquence étalonnée ; ce son est amplifié si l’on pose la base du diapason sur une cavité résonnante, comme la caisse d’une guitare, ou sur une table. Son invention est attribuée au trompettiste et luthiste anglais John Shore (1662-1752) en 1711.
La principale raison de la forme du diapason est qu'il produit une note pratiquement pure. La majeure partie de l'énergie de vibration se retrouve dans la fréquence fondamentale, et très peu dans les harmoniques, contrairement aux autres résonateurs. La raison de cela est que la fréquence de la première harmonique est d'environ 52/22 = 25/4 = 6 1/4 fois la fondamentale (environ 2 1/2 octaves au-dessus de la fondamentale)[2]. Par comparaison, la première harmonique d'une corde vibrante est d'une octave au-dessus de la fondamentale. Ainsi lorsque le diapason est excité, peu d'énergie se répartit dans les harmoniques ; celles-ci s'amortissent en conséquence plus rapidement, laissant vibrer la fondamentale. Il est plus facile d'accorder d'autres instruments avec cette note pure.

Une autre raison de la forme du diapason est que, lorsqu'il vibre, la tige vibre longitudinalement alors que les branches se déplacent de part et d'autre, en opposition de phase, dans leur plan commun. Il y a donc un nœud de pression (point de non vibration, et non pas nœud de vitesse) à la base commune des branches. Le mouvement de la tige est insensible, ce qui permet de tenir le diapason par celle-ci sans amortir les vibrations : la tige peut donc transmettre les vibrations au résonateur (par exemple une boite rectangulaire creuse), qui amplifie le son du diapason. Sans un résonateur, le son est très faible. La raison en est que les ondes sonores produites par chaque branche ont des phases décalées de 180° l'une de l'autre ; à une certaine distance du diapason (soit à égale distance des deux branches de celui-ci, donc dans un plan perpendiculaire au plan de vibration des branches), elles interfèrent et s'annihilent l'une l'autre. Si un obstacle absorbant le son est glissé perpendiculairement entre les branches du diapason excité, celui-ci réduit l'onde déphasée de 180° venant de l'autre branche ; le volume perçu alors croît, car il y a réduction du phénomène d'interférence (absorption du « court-circuit » acoustique). On peut aussi appuyer la tige du diapason sur la boîte crânienne ou le tenir entre les dents ; on perçoit alors le son par conduction osseuse sans que l'entourage ne l'entende.
Calcul de la fréquence fondamentale
La fréquence fondamentale du diapason dépend de ses dimensions et du matériau dont il est fait[3]:
- ,
où :
- f est la fréquence fondamentale avec laquelle le diapason vibre, exprimé en hertz (Hz).
- est la première racine de l'équation . Numériquement
- l est la longueur des branches, exprimée en mètres (m).
- E est le module de Young du matériau dont est fait le diapason, exprimé en pascals (Pa).
- ρ est la masse volumique du matériau dont est fait le diapason, exprimé en kilogrammes par mètre cube (kg/m3).
- R est le rayon de giration des branches, exprimé en mètres (m). Pour des branches rectangulaires, où est l'épaisseur des branches. Pour des branches cylindriques de rayon ,
Cette formule donne une bonne approximation de la fréquence mesurée. Elle repose sur une modélisation simple, qui considère que le diapason est constitué de deux branches vibrant en flexion, avec une extrémité encastrée au centre du diapason, et une extrémité libre. Cette modélisation ne peut être rigoureusement exacte, puisque les vibrations sont transmises au résonateur, mais elle est numériquement très satisfaisante. Pour plus de détails voir [4]
Hauteur du la du diapason
En 1859, la fréquence du « la » est normalisée d'abord en France à 435 Hz à la température de 18 °C, puis internationalement réglementée en 1885 à la Conférence de Vienne. Mais les instruments ont alors des cordes soumises à des contraintes de plus en plus fortes si bien que cette fréquence de référence est augmentée, variant même d'un pays à l'autre[5].
La Conférence internationale de Londres en 1953 a fixé la fréquence du la3 à 440 Hz. Un diapason de référence avait toutefois déjà été établi en 1939 par la Fédération internationale des associations nationales de standardisation (ancêtre de l'Organisation internationale de normalisation), avec 440 Hz pour le la3 à une température de 20 °C. L'Orchestre philharmonique royal utilisait jusqu'alors une fréquence de 439 Hz pour l'accord. Le standard fut rapidement adopté par la BBC qui généra électroniquement le signal à la bonne fréquence via un cristal piézoélectrique[6] et demanda à l'orchestre de se caler sur cette nouvelle référence. La norme a été rééditée en janvier 1975 (ISO 16:1975[7]).
Cette norme est généralement adoptée par tous les instrumentistes, exception faite de beaucoup d’ensembles spécialisés en musique ancienne, qui choisissent de nombreux diapasons, les plus courants allant de 392 à 466 Hz — ils nécessitent une tension moindre des cordes d’instruments tels que violes, luths, guitares, clavecins. Les écarts de fréquence entre 466 Hz (musique de la Renaissance), 440 Hz (baroque vénitien), 415 Hz (baroque allemand) et 392 Hz (baroque français) correspondent à un intervalle de demi-ton. Certains clavecins possèdent deux la, que l'on obtient par un mécanisme de déplacement du clavier. Le « la 415 » est communément appelé « la baroque », mais il n'est qu'une convention simplificatrice et unificatrice, et ne correspond en réalité qu'à l'un des nombreux diapasons historiques attestés. Notons cependant que la variété des diapasons a eu une influence considérable sur l'écriture musicale (particulièrement notable pour les ambitus vocaux), ce qui justifie le recours actuel à une grande diversité de hauteurs de référence.
On sait que la hauteur du diapason a beaucoup varié dans les siècles passés, et d’un lieu à l’autre. On parvient à déterminer les valeurs grâce aux instruments d’époque qui ne se désaccordent pas : les instruments à vent tels que flûtes, trompettes, orgues, les cloches, etc.
Dès le début du XVIIIe siècle, grâce aux travaux de Joseph Sauveur, les acousticiens ont su mesurer la fréquence d'un son entendu. En 1704, un la a ainsi été relevé à 405,3 Hz dans l'orchestre de l'Opéra de Paris. En 1938, un relevé effectué dans un orchestre de Vienne permit de mesurer un la à 450,85 Hz[8].
On suppose que le diapason n’a pas cessé d’augmenter pour rendre la sonorité plus brillante. Cette dérive vers l’aigu se remarque particulièrement pour les pianos solistes — désormais généralement accordés à 442 Hz[réf. nécessaire] — et les groupes de musique moderne.
À défaut de diapason : généralement (mais pas toujours), la tonalité d'invitation à numéroter du téléphone fixe en France a une fréquence de 440 Hz correspondant au la3 moderne.
Évolution
Avant la normalisation de 1953, le la de référence a pris toutes sortes de valeurs aussi arbitraires qu'imprévisibles. En voici quelques-unes :[réf. nécessaire]
Année | Hertz | Lieu |
---|---|---|
1495 | 506 | Orgue de la cathédrale de Halberstadt |
1511 | 377 | Schlick organiste à Heidelberg |
1543 | 481 | Sainte-Catherine Hambourg |
1636 | 504 | Mersenne ton de chapelle |
1636 | 563 | Mersenne ton de chambre |
1640 | 458 | Orgues des franciscains à Vienne |
1648 | 403 | Épinette Mersenne |
1688 | 489 | Saint-Jacques Hambourg |
1700 | 404 | Paris ton moyen |
1750 | 390 | Orgue Dallery de l'abbaye de Valloires |
1751 | 423 | Diapason Haendel |
1766 | 370 | Orgue Dubois de l'abbatiale de Wissembourg |
1780 | 422 | Diapason Mozart |
1810 | 432 | Paris diapason moyen |
1819 | 434 | Cagniard de La Tour |
1823 | 428 | Opéra comique Paris |
1834 | 440 | Scheibler congrès de Stuttgart |
1856 | 449 | Opéra de Paris Berlioz |
1857 | 445 | San Carlo Naples |
1859 | 435 | Diapason français arrêtés ministériels |
1859 | 456 | Vienne |
1863 | 440 | Tonempfindungen Helmholtz |
1879 | 457 | Pianos Steinway USA |
1885 | 435 | Conférence de Vienne (fréquence internationalement réglementée) |
1899 | 440 | Covent Garden |
1939 | 440 | Diapason international normal |
1953 | 440 | Conférence de Londres |
Dans certains pays, il existait au même moment plusieurs types de diapason. Dans le cas de la Grande-Bretagne, on distinguait le « diapason grave » (435 Hz) du « diapason aigu » (452 Hz). Cette pratique cessa après 1930[9].
Prédécesseurs
Robert Hooke (1635-1703) invente un instrument capable de mesurer le son.
Félix Savart (1791-1841) l'améliore, mais cette roue de Savart (en) (des roues en laiton produisent, selon la vitesse, des ondes sonores dont la fréquence peut être mesurée) est vite abandonnée au profit du diapason, pour des raisons pratiques. Le savart reste une unité de mesure fine des intervalles musicaux.
Notes et références
- A new dictionary of the French and English languages, (lire en ligne), p. 330. ; Jean Manold, « Dialogue des morts », Le Mercure musical, no 1, , p. 351 (lire en ligne).
- John Tyndall, Sound, New York, D. Appleton & Co., , p.156 p. (lire en ligne)
- Tuning Forks For Vibrant Teaching
- (en) A. A. Shabana, Theory of Vibration, New York, Springer-Verlag, (ISBN 0-387-97384-2)
- Rémi Huppert, Le manager musicien, Éditions Eyrolles, , p. 78
- A Brief History of the Establishment of International Standard Pitch A=440 Hertz
- ISO 16:1975 Acoustics - Standard tuning frequency (Standard musical pitch)
- Abromont 2001, p. 342
- La Partition intérieure, Jacques Siron, page 108
Voir aussi
Articles connexes
- Glossaire théorique et technique de la musique occidentale
- Solfège
- Karl Rudolf Koenig
- Dulcitone, piano composé de diapasons
Bibliographie
- Claude-Henri Chouard, L'oreille musicienne : Les chemins de la musique de l'oreille au cerveau, Paris, Gallimard, , 348 p. (ISBN 2-07-076212-2), p. 239-252 « Les aventures du diapason »
- Claude Abromont et Eugène de Montalembert, Guide de la théorie de la musique, Librairie Arthème Fayard et Éditions Henry Lemoine, coll. « Les indispensables de la musique », , 608 p. [détail des éditions] (ISBN 978-2-213-60977-5)
- Émile Leipp et Michèle Castellengo, Du diapason et de sa relativité, Paris, La Revue musicale, , 39 p.
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